Dans la série « il m’arrive des trucs improbables », mon nerf facial droit m’a dit coucou à cause de mon implant cochléaire. Alors attention, je parle en tant que bibi, implantée à 23 ans en raison d’un nerf auditif devenu subitement paresseux. Chaque cas est différent. Le phénomène que je m’apprête à vous conter se manifeste pas chez tous les patients ayant un implant cochléaire, d’après ce que j’ai compris c’est pas si fréquent que ça.
L’histoire commence il y a environ un mois. C’était le jour de mon 5e réglage. Bon alors pour les âmes non-initiées, quand on vous pose votre implant vous ne rentrez pas chez vous tout sourire avec la capacité d’entendre à nouveau, non. Pour entendre, et surtout comprendre, ça va demander des mois durant lesquels vous aurez de la rééducation orthophonique et des réglages. Le tout premier réglage, le processeur va envoyer un peu de jus mais pas trop pour que le cerveau ait le temps de s’habituer. On augmente progressivement la quantité d’électricité dans l’implant (j’espère que je ne dis pas de conneries, ne prenez pas ce que je dis pour argent comptant). Quand vous vous habituez au réglage, le son peut vous paraître plus faible. C’est tout à fait normal, c’est signe qu’il faut monter encore un peu le réglage. Bon. Il y a un mois donc, c’était mon 5e réglage. J’avais trèèèès hâte d’avoir mon nouveau réglage, car le dernier datait du mois de juillet et j’avais l’air de m’être pas mal habituée parce que le son me paraissait vraiment faible et je n’arrêtais pas de faire répéter (vraiment beaucoup répéter). On a commencé le réglage, ce qui consiste à me faire écouter plusieurs séries de bips à différentes fréquences et je dois dire stop quand le son est trop fort. Tout se passait bien, j’étais concentrée sur mon fauteuil. Et tout à coup, alors que j’entendais un bip, j’ai eu un petit spasme sur le visage. Et puis un autre. Et un autre. À chaque bip. Sur la joue, la paupière ou le menton, parfois les trois en même temps. Des petits spasmes, et des vraiment gros. Sur le coup j’ai rien dit, parce que j’avais eu des réactions lors des premiers réglages et donc je savais que parfois il y avait des petites manifestations temporaires. Par exemple, l’une des fréquence (qui de mémoire était grave) me donnait l’impression de « cogner » dans mon crâne, mais c’était normal. J’avais jamais eu de spasme auparavant et je suis bêtement partie du principe que c’était sans doute le même délire. On a fini le réglage donc, j’étais contente parce qu’il était bien fort. Et puis…
Et puis je me suis souvenue d’une info. Quand mon ancien ORL s’était dit « Ah en faiteuh il y a peut-être un problème, ça pourrait être le nerf auditif allez passer une IRM et une exploration fonctionnelle », j’avais fait ce que tout le monde devrait ne pas faire: j’avais paniqué. J’avais commencé à envisager le pire. À envisager une tumeur par exemple. Eren avait fait des petites recherches, et beaucoup de mes symptômes correspondaient à une tumeur du nerf auditif (en réalité j’avais bien un souci avec le nerf, mais c’était pas une tumeur). Les tumeurs du nerf auditif sont bénignes, mais suivant leur taille et leur localisation elles peuvent avoir des répercussions plus ou moins graves sur d’autres organes autour. Ainsi, vous serez sur le cul d’apprendre que dans certains cas les tumeurs du nerf auditif peuvent causer des paralysies faciales, parce que entre autres la tumeur appuie sur le NERF FACIAL. Je suis pas médecin mais on peut aisément en déduire que les nerfs auditifs et faciaux sont proches, genre voisins.
J’ai repensé à cette anecdote et je me suis dit qu’il y avait peut-être un problème en fait. Donc j’ai dit: « Heu excusez-moi mais j’ai eu des spasmes au visage durant le réglage, c’est normal? », ce à quoi mon régleur a répondu: « Ah ben ça faut me le dire parce que ça veut dire que j’ai touché le nerf facial ». Bingo. Je me suis sentie idiote de pas l’avoir dit pendant le réglage. Mon orthophoniste et mon régleur eux ne pouvaient pas l’avoir remarqué parce que nous sommes en période de covid je le rappelle, et de ce fait je porte un masque. Et le mien est grand et me couvre tout le visage juste en-dessous des yeux. Un peu comme les bandits dans le Far-West qui s’apprêtent à braquer une banque, sauf que je braque que dalle étant donné que je suis assise dans un fauteuil, branchée à un ordinateur par un câble et que si je me lève je fais tout valser y compris mon processeur. J’ai donc dû retirer mon masque pendant qu’on me repassait les bips que j’avais validé. J’ai dit: « Ne vous inquiétez pas, quand les spasmes étaient trop forts je vous ai dit stop ». Je suppose que j’étais dans le déni en disant cela, parce que toute ma face droite s’est mise à avoir des spasmes, parfois douloureux. La scène devait avoir quelque chose de comique. Pas pour mon orthophoniste, pas pour mn régleur, sûrement pas pour moi, mais pour le tout-venant qui entre dans la pièce et me voit tirer une tête de 6 pieds de long pendant que ma joue danse la macarena toute seule oui il y avait de quoi se fendre la poire. Mon régleur m’a fait un programme beaucoup plus faible que ce qu’il aurait dû être pour éviter les spasmes en attendant de trouver une solution.
J’ai réalisé à quel point j’avais bien fait de dire tout de suite (même si pas tout de suite) que j’avais des spasmes au visage quand j’ai eu rééducation la semaine d’après. Mon orthophoniste m’a proposé d’essayer le programme déchu, celui que j’aurais dû avoir mais qui m’aurait donné des spasmes, pour voir si j’avais des réactions. Avant de vous dire que c’est une espèce de sadique tordue, il faut savoir que les bips entendus en réglage sont très forts par rapport à ce que je peux entendre dans la vraie vie (je suis en train de me relire, je sais pas pourquoi j’ai écrit ça comme ça, pourquoi pas la vie d’humanoïde infiltré tant qu’on y est) et donc je peux avoir des spasmes au réglage mais pas forcément dans la vie de tous les jours. Ensuite, si j’avais eu des spasmes, ça aurait été indicatif pour les prochains réglages. Et j’en ai eu. Ma joue a fait un petit « boing » quand elle a dit le mot « affaires ». On a continué l’exercice, elle a dit un truc qui m’a fait rire. Ça a fait rire mon nerf facial aussi. J’ai eu un gros spasme dans la gueule, ça m’a calmée direct. On a arrêté l’exercice un peu après, et je suis restée sur le programme faible jusqu’au réglage ce vendredi.
Je ne vous raconterai pas en détail ma séance de réglage parce que je pense que même moi je vais m’y perdre. Je ne sais pas comment mon régleur a fait, paraît qu’on peut bidouiller l’amplitude pour mettre le réglage plus fort sans envoyer plus de courant dans l’implant. Ou quelque chose comme ça. Ça a été long et fastidieux. Je crois que mon régleur s’est un peu arraché les cheveux pour trouver un compromis entre augmenter le réglage et limiter les réactions du nerf facial. Tout un programme.
J’ai quand même un programme de secour au cas où j’aurais des spasmes, mais j’espère ne pas avoir à l’utiliser. Le prochain réglage est prévu dans trois mois. J’ai pu tester le nouveau hier, dans la VRAIE VIE. Je suis allée à une exposition réalisée par les élèves des Beaux-Arts de Paris (d’ailleurs si vous avez un jour l’occasion de visiter cette école faites-le, elle est vraiment chouette). J’ai pris le RER, le métro, à l’expo il y avait beaucoup de monde et de bruit (« Y a le métro qui passe en-dessous? » j’ai demandé à ma mère, parce que je ressentais des vibrations dans les pieds. « Non, c’est de la musique ». Ah bon). Bon bah avec tout ça, ça a été je n’ai pas explosé. AFFAIRE à suivre.
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