Bonne nuit Planplan

C’était le soir, j’avais pris ma douche, j’était en pyjamas. Manille était déjà en train de ronfler sur son pouf, bref c’était l’heure d’aller se coucher. Je me suis dirigée vers la paillasse de la cuisine, là où trône un drôle de chargeur plat depuis des mois. J’ai porté la main à mes cheveux, défait la petite pince en fer, et tout en gardant une prise sur celle-ci et le fil en nylon auquel elle est reliée, j’ai enlevé mon processeur et l’ai mis à charger. Et je ne sais pas pourquoi j’ai phasé sur ce geste.

J’ai réalisé que, a priori, cette « routine » j’allais l’avoir toute ma vie. Ça prend vraiment quelques secondes pour retirer l’attache de sureté puis Planplan (si vous n’aviez pas compris, c’est le surnom ridicule que j’ai donné à mon processeur, parce que j’aime rire). Et hop black out, on coupe le courant. Je ne dirais pas que je « retourne dans le monde du silence ». Déjà parce que j’aime pas cette expression, je la trouve un peu péjorative et assez angoissante. Je comprends ce que les gens entendent par cette expression, surtout quand ces personnes sont devenues sourdes (et t’as vu j’ai utilisé l’expression « entendre » pour parler de surdité, et le monde n’a pas explosé). Je vois ce que c’est censé représenter, mais je sais pas il y a quelque chose qui me chiffonne avec cette métaphore. Bon. Ensuite je ne l’utiliserais pas pour la simple et bonne raison qu’avec les acouphènes que je me paye, le silence je peux me le rouler et me le mettre derrière l’oreille (mais que de calembours aujourd’hui!!). Tout ça pour dire que je suis constamment dans le bruit. Et je perçois encore certains sons de l’oreille gauche. Ça ne me permettrait pas de suivre un débat sur l’Islande en France, disons plutôt que je devine qu’Eren est en train de regarder une vidéo ou de rager sur son jeu dans le lit.

Enlever mon processeur c’est pas un supplice. C’est un peu comme si j’étais à demi-off. Je suis encore réveillée, on peut encore discuter par écrit mais par la sainte charge de Planplan JE PROCLAME la fin de la journée. C’est mon moment de rien. En général, je lis, parfois j’écris. Parfois je ne fais juste rien, je laisse aller mes idées et je réfléchis. J’en entends me dire « moi je ne pourrais pas ». Moi j’aime bien. À ce moment-là, je peux être dans ma bulle, être coupée de tout (ou presque). Et vous lisez une ex accro à Candy Crush experte en scrolling de vidéos sur Facebook.

Éventuellement, ça me manque un peu de ne plus discuter ou regarder des vidéos ensemble dans le lit. Pour ce qui est de parler, on peut toujours passer par écrit et s’envoyer des messages. L’idéal serait d’échanger en Langue des Signes tactile. L’apprendre c’est un de mes objectifs quand j’aurais terminé la rééducation. Pour ce qui est des vidéos qu’on regarde ensemble, je m’entraîne actuellement à comprendre la voix dans ce contexte (on ne la perçoit pas comme lorsqu’elle est naturelle). Donc peut-être qu’un jour on pourra à nouveau se regarder des vidéos comme ça dans le lit. En attendant, je crois que j’ai besoin de cet instant de coupure pour me reposer et « diminuer les stimulations » autour de moi.

J’ai moins de choses à raconter concernant le matin, quand je me lève et que je remets mOn processeur. C’est un peu comme lorsqu’on met ses lunettes au saut du lit, on est encore un peu dans les choux mais au moins le truc est en place.

***Sur une paillasse grise est posé un socle de charge tout plat. Le processeur (aimant oval) est posé sur le socle, un petit voyant rouge/orange indique qu’il est en charge***

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