Cours Forest

J‘avais un rendez-vous à 14h. Pour m’y rendre je devais emprunter le bus au bout de ma rue. L’application pour programmer des trajets m’avais dit que je pouvait avoir mon bus en sortant de chez moi à 13h33, mais elle avait fait ce calcul sans inclure la possibilité que mon chien puisse s’arrêter pour demander à faire caca. Par précaution j’avais donc décidé de partir un peu plus tôt.

À 13h23, comme j’étais déjà prête j’ai décidé de partir avec Manille. J’avais juste pris mon joli petit sac à dos pour ne pas m’encombrer, j’ai fermé ma porte et glissé mes clés dedans. J’ai descendu l’escalier de mon immeuble et j’ai ouvert la porte d’entrée.

« Oh fait chier… » ai-je bougonné (mon père ne va pas être content en lisant mon article parce qu’il y a des gros mots pourtant il dit exactement la même chose avec la même intonation quand il bricole et que ses outils « ne marchent pas », sans vouloir balancer).

En fait il bruinait. Moi à la base j’ai aucun souci avec la pluie mais depuis que j’ai mes implants cochléaires je dois éviter de mouiller mes 2 processeurs. Et par respect c’est mieux d’avoir une serviette pour essuyer Manille avant mon rendez-vous.

Je suis remontée à mon étage avec la chienne qui n’a rien compris à ce qu’il se passait. Voulant rester un minimum chic avec mon sac à dos, j’ai choisi de prendre en plus un tote bag pour y mettre une petite serviette et un parapluie. Au-dessus du banc à chaussures dans l’entrée se trouve une étagère avec posée dessus une caisse dans laquelle je range diverses choses, dont des sacs en tissu. J’ai levé les bras et vaguement tiré la caisse vers moi. Une boîte à oeufs vide m’est tombée sur la tête (me demandez pas pourquoi je garde une boîte à oeufs vide à cet endroit-là).

Ensuite je suis retournée à la cuisine prendre une des petites serviettes que je range sous l’évier.

« Bah bien sûûûr! » ai-je râlé.

Il n’y en avait plus, je les avais toutes mises à laver. J’en ai attrapé une sur l’étendage qui avait l’air sèche.

Nous sommes donc reparties avec Manille. Vu que j’étais partie bien en avance la 1ère fois ce petit aller-retour imprévu n’était pas grave. Je peux vous le dire maintenant, il avait arrêté de bruiner et je ne sortirai ni le parapluie ni la serviette de mon tote bag.

Nous marchions droit devant nous pour prendre le bus à 3 rues de l’appartement, quand tout à coup Manille s’est arrêtée pour proposer le caniveau.

« J’ai envie de faire cacaaaa! » (c’est ce qu’elle aurait dit si elle pouvait parler)

Je lui ai accordé sa pause WC (comme ce serait horrible de lui dire « Non Manille on ne s’arrête pas pour faire caca, tu sers les fesses un point c’est tout! »). Je suis descendue au caniveau pour ramasser la déjection car je suis une déficiente visuelle bien éduqué:. J’ai gardé le sac à crotte avec la caque dedans à la main puisqu’il y a une poubelle à côté de l’arrêt de bus.

J’ai dû mettre une bonne minute à remettre les anses de mon tote bag correctement sur mon épaule. Elles s’étaient entortillées quand j’avais rabattu le sac contre moi pour ramasser la crotte de Manille, puis la situation s’était aggravée au moment de lui remettre sa laisse, bref je ne m’en sortais pas.

« Ce serait marrant de rater le bus à cause de ça… » ai-je pesté intérieurement alors que je me débattais avec le sac.

Nous sommes reparties. Il faut savoir que j’habite un quartier d’apprentis sorciers-paysagistes qui adorent laisser leurs haies en friche. Il y a souvent des petites branches qui dépassent dans la rue et c’est un enfer quand il pleut. On était sur la dernière rue, à quelques mètres de l’arrêt de bus. J’ai pris une branche mouillée dans la figure malgré les efforts de Manille pour éviter cet obstacle en hauteur. À cet instant le propriétaire de la maison et du buisson mal taillé est rentré chez lui.

J’ai hésité à l’intercepter pour lui dire de faire quelque chose QUAND SOUDAIN j’ai vu le bus arriver au loin.

« Oh putain! Devant!! Cours Manille, cours!!! » ai-je crié.

Manille s’est mise à trotter rapidement: 1, 2, 1, 2, 1, 2. J’avais toujours le sac à crotte dans la main droite, ballotant au rythme de notre course. Heureusement pour moi des gens étaient en train de monter dans le bus. J’ai donc pu marquer une petite pause pour jeter le caca de Manille à la poubelle, autrement je pense que je l’aurais lâché à la volée (« Écartez-vous, je vais larguer la bombe et elle shmoute! »).

Nous avons pu attraper le bus et arriver à l’heure au rendez-vous, mais c’était moins une.

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