Lundi matin quand je me suis réveillée une vilaine odeur flottait dans l’air. J’ai pensé que Stella, dont la caisse est dans la salle de bain juste à côté de la chambre, venait de poser sa pêche.
Manille était couchée à côté du lit, la chatte attaquait ma main sous la couette, bref à part le fumet pestilentiel tout avait l’air normal.
Je me suis levée, j’ai pris mon legging et mes chaussettes pour sortir Manille et je suis allée m’asseoir sur une chaise de la cuisine. L’odeur s’est faite plus forte. J’ai pensé que Stella avait eu un accident dans la chambre et que j’avais marché dedans. J’ai inspecté mes pieds: rien. Je suis allée voir dans la salle de bain et le bureau mais ça y sentait moins fort. Je suis revenue m’asseoir sur ma chaise, perplexe.
Et puis je me suis retournée.
Il y avait de grosses flaques sombres sur le carrelage. L’une des quadru avait eu la diarrhée pendant la nuit. Quand je dis « l’une des quadru » je veux dire Manille car vu la taille des flaques ça ne venait pas de la chatte. Et quand je dis « diarrhée », le mot est faible pour décrire la scène d’horreur que j’avais sous les yeux (et le nez).
J’ai sorti Manille en ricanant parce que j’avais laissé Stella enfermée sans ouvrir les fenêtres. Ensuite je suis rentrée et j’ai nettement moins rigolé quand il a fallu commencer à nettoyer.
J’ai contourné la table pour ouvrir les fenêtres sans risquer de marcher dans la mare sans canard (n’aggravons pas la situation). J’ai remonté mes manches et j’ai fait un chignon. J’ai mis le masque de chantier que m’avait donné mon père, celui avec deux gros élastiques et un système de serre-nez. J’étais parée.
Je n’ai trouvé Stella nulle-part et elle n’est pas venue sur le rebord de la fenêtre comme à son habitude. J’en ai déduit qu’elle était restée trop longtemps dans les effluves et qu’elle avait dû faire un malaise sous un meuble.
Je vous passe les détails du nettoyage mais ça m’a pris une bonne heure.
J’ai envoyé un message à mon père pour l’informer de l’était de santé de Manille. Il m’a proposé de l’emmener jouer au parc mais j’ai décliné l’invitation, entre autres car il fallait que je passe la toile pour sécuriser les lieux.
Manille a boudé sa gamelle puis a picoré à la main avant d’engloutir son bol de croquettes. Elle avait peut-être encore le bidon en vrac, voilà tout.
J’avais espoir que la chose serait réglée le lendemain, surtout que la chienne avait l’air en forme malgré tout.
Hélas, mardi matin Manille refusait toujours de manger. Ce symptôme est une grande source d’inquiétude car Manille adore manger (je peux lui faire gober ses cachets comme des bonbons). Quand Manille ne mange pas c’est qu’il y a un souci.
J’ai envoyé un nouveau message à mon père pour l’informer de l’évolution de l’état de santé de Manille. Il a suggéré qu’elle en avait peut-être marre de ses croquettes.
Diarrhée et perte d’appétit, ça sentait vraiment pas bon (sans mauvais jeu de mot). J’ai décidé de la laisser à la maison pour ma séance de rééducation du matin et de l’emmener au vétérinaire l’après-midi.
Je l’ai sortie et elle a pété (assez grassement) dans mon entrée et le hall de l’immeuble, signe que ça commençait à devenir critique.
Elle a eu des selles molles ce qui m’a confortée dans l’idée qu’il y avait un problème.
Nous sommes rentrées et le portail de l’immeuble était grand ouvert, signe que mes voisins étaient sortis entre temps (et avaient potentiellement senti les relents de pet farci de chien dans le hall).
J’ai raccompagné Manille dans mon appartement. Manille qui comme toujours quand elle est malade a l’air de ne pas comprendre pourquoi elle ne travaille pas avec moi aujourd’hui et me lance des regards déçu sur le seuil de la porte. Elle fait ça même quand elle a une entorse: « Mais si voyons je peux te guider en rampant!!! ».
Mon père devait m’emmener à l’hôpital pour ma rééducation. Je me suis dirigée vers la voiture garée sur la place handicapée, j’ai essayé d’ouvrir la portière côté passager mais elle était verrouillée. J’ai pensé: « Qu’est-ce qu’il fout Papa à fermer les portes comme ça? ». C’est alors que j’ai entendu une portière s’ouvrir plus loin et que mon père est venu me chercher. En fait je m’étais trompée de voiture.
Dans la voiture (la bonne) j’ai rédigé un sms à ma vétérinaire pour savoir si je pouvais avoir un rendez-vous rapidement.
À Bicêtre j’avais rendez-vous à 11h avec la collègue de mon orthophoniste. Elle n’est pas arrivée à 11h pile, elle avait un peu de retard.
Pendant la séance j’avais ma plage braille et mon téléphone sur les genoux car on doit passer par écrit en ce moment. J’ai donc vu arriver une notification m’informant que j’avais un sms de ma vétérinaire. Je ne l’ai pas ouvert, par politesse et parce que ça m’aurait fait perdre le fil de ma séance déjà bien compliquée.
On a terminé, l’orthophoniste m’a raccompagnée dans la salle d’attente où se trouvait mon père, elle m’a dit « À la semaine prochaine! » en s’apprêtant à partir quand mon père a commencé à parler d’un truc avec elle. Elle est partie quelques instants. Comme mon père avait l’air de l’attendre je me suis assise et j’ai sorti ma machine de mon sac pour lire le sms.
L’orthophoniste est revenue puis est partie pour de bon et j’ai demandé (un peu nerveuse) à mon père si on pouvait y aller car j’avais un rendez-vous avec la vétérinaire. Il m’a donné son bras pour me guider et on est partis.
« C’est à 13h, sinon il n’y a pas de place avant demain à 16h40 », ai-je précisé.
Là Papa s’est mis à accélérer.
On a commencé à courir dans les couloirs de l’hôpital. Quand je dis « courir » il faut savoir qu’on est un peu court-sur-pattes dans la famille et que la course n’est pas chose aisée.
En plus j’avais ma canne blanche dans une main et le bras de mon père dans l’autre, bonjour le tableau quoi. Ça m’a fait rire. C’était stupide car du coup j’ai rapidement perdu mon souffle. Mon coeur s’est mis à cogner.
J’ai pensé que j’allais faire un infarctus à 25 ans tandis que mon père de 66 ans courait frais comme un gardon, tout ça pour emmener le chien au vétérinaire parce qu’il avait la diarrhée.
On a atteint la voiture à 12h28 (j’ai regardé l’heure à ce moment).
Papa a démarré en trombe.
Le GPS prévoyait d’être à la clinique avec 10 minutes de retard. Arrivés dans ma rue j’ai suggéré à mon père de se garer à la va-vite sur le trottoir où est mon immeuble (en temps normal ce genre de « stationnement sauvage » nous fait râler). Je me suiss ruée hors de la voiture et j’ai couru vers ma résidence.
Bien évidemment je me suis d’abord trompée de clé pour ouvrir la porte du hall. J’ai cavalé dans les escaliers et l’une des bretelles de ma salopette s’est détachée sous ma veste. Je suis arrivée à mon étage et j’ai pesté à haute voix pour que ma porte se dépêche de s’ouvrir. J’ai bondi dans l’appartement, j’ai mis les doigts dans le bol de croquettes (toujours plein), j’ai pris le carnet de santé de Manille dans le tiroir du meuble à chaussures et j’ai crié:
« Fonce Manille! »
J’ai même pas pris le temps de lui mettre son collier.
Dehors je lui ai ouvert la portière et elle s’est installée par terre l’air de rien, youpi Papa quelle belle journée.
Je lui ai mis sa laisse et son collier puis mon père nous a larguées devant la clinique (en fait il voulait m’aider à descendre mais j’ai dit non et je me suis pris un poteau dans les jambes).
J’ai passé la porte de la clinique vétérinaire. Une auxiliaire a emmené Manille se peser. Manille qui, surexcitée par les gâteaux, sautait comme si elle était un yorkshire de 3 kg (oui elle est chienne guide).
« J’avais rendez-vous à 13h, je suis désolée j’ai couru tout ce que j’ai pu! », me suis-je excusée en rattachant ma bretelle et en réajustant mon t-shirt.
En réalité il n’était que 13h et des pâquerettes.
Mon père, qui avait trouvé une place, nous a rejoint et La vétérinaire est venue nous chercher.
Manille a eu la prise de sang qui était initialement prévue jeudi et elle a aussi eu droit à une piqûre contre la diarrhée. En fait ce n’était rien de plus qu’une petite gastro.
La vétérinaire m’a donné un traitement pour sa gastro, un rendez-vous pour lui retirer les boules sur ses flancs et m’a dit de changer ses croquettes car apparement la chienne a encore pris du poids.
On est rentrés et Papa m’a préparé à manger.
Après le déjeuner la chienne se tenait bizarrement à côté de lui dans la cuisine et il y avait un bruit suspect.
En m’approchant j’ai compris qu’il était en train de lui faire léché un pot de yahourt. J’ai protesté:
« Mais! Elle est malade! Malade et grosse! »
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