Un jour Madame Limonade se traînait sur son fauteuil roulant dans le couloir menant à sa chambre. Elle était complètement perturbée et désorientée. J’ai décidé de la raccompagner dans sa chambre, un endroit familier où elle arriverait peut-être à se calmer. J’ai poussé son fauteuil sur les quelques mètres nous séparant de la pièce, non sans le cogner bien comme il faut au mur car je n’y voyais pas clair. On zigzagait, la vieille dame geignant qu’elle voulait mourir et la taupe-animatrice essayant de maintenir le cap avec son bolide.
On est arrivées dans sa chambre où j’ai laissé Madame Limonade en fermant la porte derrière moi afin qu’on ne l’entende plus.* Non j’ai pas fait ça, vous êtes de grands malades si vous y avez cru. Je me suis accroupie devant la dame et je lui ai tendu mes avant-bras. Ma cheffe nous avait expliqué que ça l’apaisait d’attraper les poignets des gens. Elle a donc pris les miens et s’est tue. Je lui ai caressé doucement les mains. Elle avait la peau très fine et je me souviens avoir pensé que ça ressemblait à de la peau de lait (c’était pas péjoratif, attention). Madame Limonade s’est calmée et s’est endormie comme ça, en serrant mes poignets dans ses vieilles mains toutes douces. Je me suis dégagée avec toute la précaution du monde et j’ai quitté la pièce sur la pointe des pieds.
* J’ai rédigé ce texte fin août 2023. Je l’ai relu une semaine avant sa publication et je suis tombée dans le panneau en redécouvrant cette phrase (« Mais t’as pas pu faire ça Bibi, c’est horrible!!! »).