« Sur la planche, sur la vague // je ressens des sensations »
Pour ma seconde implantation je savais maintenant à quoi m’en tenir. J’espérais juste être moins agitée au réveil. Père avait essayé de mettre en place un code tactile pour que je sache qu’il était là au moment du réveil. Une double pression sur la main signifiant « papa ». J’avoue que j’étais pas ultra convaincue que ça marche.
Le jour J nous sommes partis très tôt. J’ai revêtu ma tenue de plastique et l’infirmière est venue prendre ma température. Une fois de plus j’avais de la fièvre le jour de mon opération (NON J’DÉCONNE).
Le brancardier m’a emmenée (à l’heure) dans le couloir-salle d’attente où j’ai attendu mon tour avec Père. Apparement il y avait des annonces sonores du style: « La salle numéro 3 est prête », ça faisait un peu aéroport.
Une infirmière est venue me poser des questions. Elle a demandé si j’avais bu, j’avais le droit quelques heures avant l’opération mais traumatisée que j’étais par ma première expérience je m’étais passée de boire. J’avoue qu’à cet instant je me suis sentie très maline, genre « hé hé hé que je suis intelligente j’ai pas bu exprès! ».
Ensuite mon Boeing s’en est allé au terminal 11. Ou tarmac 11. Je sais pas mais je suis partie en salle d’opération.
J’ai pas grand chose à raconter hormis que j’ai fait un malaise vagal à la pose du cathéter. Depuis une prise de sang quand j’avais 15 ans je suis sujette aux malaise quand on m’enfonce une aiguille quelque part. Je ne sais pas pourquoi. Quoi qu’il en soit, quand on m’a mis le cathéter j’ai senti la vavague monter (la vague vagal, de rien c’est gratuit les blagues nulles). J’ai « l’habitude » de cette sensation (ça fait comme une nausée au départ) donc je suis restée calme et j’ai essayé de maîtriser le truc (la vavague). J’ai rien dit, j’ai pensé: « Bah Ils ont ma tension sous les yeux, ils doivent bien savoir que c’est bizarre donc qu’ils se démerdent ».
J’ai appris récemment qu’on ne peut pas vous faire une anesthésie si vous êtes dans les pommes. Enfin ça doit dépendre, mais si vous tombez dans les pommes avant qu’on vous anesthésie l’équipe médicale va d’abord vous réveiller avant de vous endormir.
La vavague est passée et on m’a anesthésiée.
Réveil enchanté
Je ne m’en souviens absolument pas mais quand je me suis réveillée Père a fait son truc de la double pression sur ma main. J’ai chuchoté: « Papa » en lui caressant la main en retour. Avouez que c’est quand même incompréhensible en comparaison avec mon réveil à la Taz de la dernière fois.
J’ai pas grand chose à raconter sur mon réveil car j’ai été très calme. J’avais toutefois un peu envie de faire pipi mais c’était supportable. J’avais une espèce de fil au niveau de la main droite qui n’était pas là lors de ma première implantation.
J’étais exactement dans le même box de réveil que la première fois. Les autres box étaient occupés par les autres patients partis au bloc en même temps que moi. À un moment un brancardier est venu chercher un des patients. Je me souviens avoir pensé: « Tu nous quittes déjà connard? ». Je ne sais pas si c’était du traumatisme ou juste de la méchanceté, quoi qu’il en soit moi aussi j’ai eu une chance de connard ce jour-là car l’instant d’après un autre brancardier est venu pour me remonter dans ma chambre.
Non mais laissez-moiii manger mon góûter
Ma mère était déjà là dans ma chambre. Une infirmière est venue me demander ce que je voulais comme boisson pour ma collation (je ne sais plus ce que j’´ dit, un café ou un chocolat chaud).
Je voulais aller aux toilettes mais j’avais toujours le fil sur la main donc je lui demander si elle pouvait le retirer. Elle s’est exécutée et m’a demandé si j’allais bien. Elle a insisté en me disant: « Faites-moi un beau sourire si ça va! ». Je lui ai tapé mon plus beau sourire de hamster, le sourire de celle qui sait qu’elle a une haleine de cheval et qui veut avoir son goûter.
J’ai profité d’être dans la salle de bain pour remettre mon legging et mon t-shirt large. Quand j’en suis sortie ma mère m’a dit que j’avais rendez-vous dans la foulée au rez-de-chaussée pour passer un scanner. Je me souviens avoir été très déçue en pensant à mon goûter qui n’allait pas arriver tout de suite.
On nous a prêté un fauteuil roulant (car on n’en avait pas apporté) et mes parents m’ont poussée jusqu’au service d’imagerie où on a attendu dans le couloir.
Ma mère m’a proposé deux Tic Tac à la menthe, une attention qui en réalité ne trompe personne.
Père m’a accompagnée dans la salle de scanner. Je me suis levée de mon fauteuil et me suis vautrée de tout mon poids dans les bras du technicien qui m’a retenue comme un sac à patates.
« Excusez-moi, ça taaangue », j’ai dit.
J’ai passé mon scanner puis on est remontés dans ma chambre.
L’infirmière est venue m’apporter (ô joie) mon goûter. J’ai voulu commencer par les biscuits. Une sombre connerie, ces trucs étaient des étouffes-chrétiens et j’avais la gorge aussi sèche que les chaussettes de l’archiduchesse. J’ai toussé, heureusement il y avait ma boisson. Quelle fin tragique ça aurait été sinon.
Mon chirurgien est passé dans ma chambre avec les résultats du scanner. Trois électrodes sur douze n’avaient pas pu être placées dans ma cochlée. Rien qui n’empêchait l’activation heureusement, mais ça explique sûrement pourquoi aujourd’hui j’ai parfois l’impression que les gens ont une voix de chipmunk*.
* J’ai écrit cet article en Août 2023 et je le relis en ce splendide 16 février 2024. Aujourd’hui je ne suis pas sûre que le nombre d’électrodes soit responsable de cette voix d’écureuil. D’une part car j’ai appris il y a peu que 3 électrodes avaient été désactivées sur l’IC 1 à cause des spasmes au visage et je ne l’avait pas remarqué. Ensuite car depuis le dernier réglage de l’IC 2 (bien plus doux) je n’ai plus ce problème.
Raiponce dans sa tour
Mes parents sont repartis en fin d’après-midi. J’ai décidé d’aller faire un brin de toilette dans la salle de bain en attendant mon repas du soir. Je ne savais pas où mettre ma plage braille pendant ce temps. Il y avait près de mon lit une espèce de perche en métal alors je l’y ai pendue par la sangle.
Dans la salle de bain j’ai cru voir Stella mais il s’agissait en réalité d’une poubelle en plastique noir.
Une fois propre je suis retournée m’installer sur mon lit. J’ai envoyé quelques messages à mon père et j’ai compris que le machin où j’avais suspendu ma plage braille était en fait ma perche à perfusion, que le fil que j’avais sur la main était en fait un tuyau reliant mon cathéter à une poche de sodium, poche de sodium qu’on m’avait administrée pour éviter la déshydratation parce que je n’avait pas bu avant l’intervention.
Les infirmières sont venues m’apporter mon plateau-repas. Elles sont revenues plus tard dans la soirée pour prendre ma tension (toujours pas de fièvre, HA!). Je ne m’en souviens pas très bien mais il me semble que j’avais retiré mon implant cochléaire et que pour communiquer elles m’avaient écrit dans la paume de la main. Elles étaient vraiment gentilles.
Ensuite j’ai essayé de passer le temps en bricolant sur ma plage braille. Le sommeil ne venait pas puisqu’évidemment j’avais passé une bonne partie de la journée à dormir (le lendemain mon chirurgien me demandera si j’avais bien dormi, cette vaste blague).
Bien plus tard les infirmières sont repassées dans ma chambre. J’ai fait semblant de dormir (ron phi, ron phi). Elles sont donc reparties.
Avant de quitter la pièce l’une d’entre elle a appuyé sur un interrupteur près de la porte et la grosse lumière au-dessus de mon lit s’est éteinte.