La croix

Vous vous êtes déjà cassé un os ?

Non, et c’est d’ailleurs miraculeux vu le nombre de gadins que j’ai pris depuis l’enfance. Je vais vous raconter l’un d’entre eux (car il faut meubler la f^n de semaine, je vous le rappelle).

C’était l’été de mes 10 ans il me semble. Je passais de merveilleuses vacances dans un petit bled paum… situé dans le fin fond du trou du cul de la Lozère (alors bon oui l’image n’est pas glorieuse mais c’est pour vous aider à imaginer le truc); dans un hameu nommé Montfalgoux, probablement car il se trouve sur le mont… Falgoux, voilà.

En partant de la maison de famille on montait à « la cro^x »: en fait un peu en hauteur il y avait un champ (où l’on allait en passant sous les barbelés, comme des thugs), un gros rocher en plein milieu dudit champ où l’on pouvait s’asseoir (comment le machin avait roulé jusque’-là, c’est un mystère) et une immense croix rouillée plantée dans le sol (sans doute un vestige de l’Inquisition).

À « la croix » il y avait toujours ple^n de sauterelles bondissant de partout. Ce jour-là, alors que nous étions à « la croix » donc, ma soeur et moi avons eu la brillante idée de retourner à la maison chercher des pots de confiture vides pour y foutre des sauterelles dedans (à l’époque il n’y avait pas TikTok, et de toute façon y avait même pas de réseau dans ce coin paumé: fallait lever son téléphone vers le ciel pour espérer que son SMS parte). Nous sommes ainsi redescendues de « la croix ».

Il y avait une pente en gravier sur le chemin du retour (oui, vous la voyez venir hein). Je me suis mise à courir et à dévaler la pente à pleines jambes. Pourquoi? Parce que les enfants sont teubés, voilà tout.

J’ai couru tel Forest Gump. Puis je me suis salement ramassée la gueule dans les graviers. J’ai fait des roulés-boulés, que dis-je des roulés-boulés j’ai fait des tonneaux. J’ai roulé comme ça jusqu’au pied de la maison, puis j’ai   remonté l’escalier y menant, j’ai saisi un bocal vide dans la cuisine et je suis repartie en sens inverse toujours en roulant-boulant. Non c’est faux évidemment.

Quand j’ai arrêté de racler le sol je me suis mise à hurler comme un cochon qu’on égorge. Ma soeur es retournée à « la croix » chercher les adultes.

Quand tout le monde a réapparu au bout d’une heure (non à mon avis ça avait dû prendre 10 minutes, notamment car ma mère avait dû taper un gros sprint, attention à la pense en graviers Maman ne fais pas comme moi stp ou on aura l’air trop con à l’hôpital) il a fallu se rendre à l’évidence: je m’étais bien amochée.

Je crois que je m’étais égratignée sur les bras, dans le dos et sur la hanche. Et bien comme il faut car par endroits on voyait ma chair.

Bon ben il a fallu m’emmener à l’hôpital hein. Attendez, non!

Je vous rappelle que nous étions dans le fin fond du trou du cul de la Lozère. Pas d’hôpital donc mais un vieux centre médical sit1é à 20 bornes de la maison. Et la Lozère vous savez c’est des motagnes, la route elle tooouuuuuurne.

Bref, on est arrivés au centre médical (en réalité un cabinet de médecin tout ^e qu’il y a de plus classique). La médecin a décrété qu’il fallait faire des points de suture sur la hanche.

Je me suis jamais pété d’os, par contre j’ai été recousu plusieurs fois quand j’étais gamine et je savais donc à quoi m’attendre.

On m’a recousu à la Rambo: sans anesthésie et avec du fil de pêche. Deux points. Elle a fait un premier point et je me suis mise à crier avant le deuxième:

– Non, attendez, je suis pas prête!

Et vlan, dexième point de suture.

Ma cicatrice a pâli mais elle est toujours un peu boursoufflée, c’est un vestige de l’enfance que je porte fièrement sur la hanche droite.

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