Souvenirs d’EHPAD #21: Madame Johnson

Je n’ai pas spécialement d’anecdote marrante avec cette dame mais je tenais quand même à écrire un article à son nom. Elle avait toute sa tête, elle était dans cet EHPAD pour une pathologie physique et je pense qu’à l’heure actuelle elle en est décédée. Je l’aimais beaucoup.

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Souvenirs d’EHPAD #19 : les mains de Madame Limonade

Un jour Madame Limonade se traînait sur son fauteuil roulant dans le couloir menant à sa chambre. Elle était complètement perturbée et désorientée. J’ai décidé de la raccompagner dans sa chambre, un endroit familier où elle arriverait peut-être à se calmer. J’ai poussé son fauteuil sur les quelques mètres nous séparant de la pièce, non sans le cogner bien comme il faut au mur car je n’y voyais pas clair. On zigzagait, la vieille dame geignant qu’elle voulait mourir et la taupe-animatrice essayant de maintenir le cap avec son bolide.

On est arrivées dans sa chambre où j’ai laissé Madame Limonade en fermant la porte derrière moi afin qu’on ne l’entende plus.* Non j’ai pas fait ça, vous êtes de grands malades si vous y avez cru. Je me suis accroupie devant la dame et je lui ai tendu mes avant-bras. Ma cheffe nous avait expliqué que ça l’apaisait d’attraper les poignets des gens. Elle a donc pris les miens et s’est tue. Je lui ai caressé doucement les mains. Elle avait la peau très fine et je me souviens avoir pensé que ça ressemblait à de la peau de lait (c’était pas péjoratif, attention). Madame Limonade s’est calmée et s’est endormie comme ça, en serrant mes poignets dans ses vieilles mains toutes douces. Je me suis dégagée avec toute la précaution du monde et j’ai quitté la pièce sur la pointe des pieds.

* J’ai rédigé ce texte fin août 2023. Je l’ai relu une semaine avant sa publication et je suis tombée dans le panneau en redécouvrant cette phrase (« Mais t’as pas pu faire ça Bibi, c’est horrible!!! »).

Souvenirs d’EHPAD #18 : le bowling

L’une des activités que l’on mettait fréquemment en place était le bowling. Les quilles et la boule étaient en mousse de sorte à ^e que les résidents puissent les manipuler facilement (et accessoirement n’explosent pas le parquet avec la boule). J’aimais bien ramener ma fraise avec des anecdotes fort divertissantes pour distraire la galerie…

Moi: Vous vous rendez compte que des fois il y a des compétitions avec plus de cent quilles!

Mon collègue de service civique: Ah oui? T’as vu ça où?

Moi: Heu, sur la Wii… Wii Sport Resort…

Souvenirs d’EHPAD #17 : les illumination de Paris

Un après-midi de décembre, comme le soir tombait tôt, on est montés dans deux vans avec quelques résidents pour aller voir les guirlandes de Noël à Paris. J’étais au milieu sur la banquette arrière de l’un des vans et à ma droite se trouvait Madame Canari. La dame, qui avait un Alzheimer très avancé et une mémoire à court-terme limitée, n’arrêtait pas de me tapoter sur l’épaule pour me montrer les monuments devant lesquels nous passions. Tiens, là c’est tel truc, ici c’est tel machin (oui, non, je ne me souviens plus de ce qu’on avait vu). Et oh ça alors, voilà le restaurant où elle était allée pour son mariage. Marrant la mémoire quand même.

Souvenirs d’EHPAD #16 : Madame Vinaigre

Madame Vinaigre ne parlait pas français. Ce n’était pas sa langue maternelle en to1t cas. C’était une petite dame qui se déplaçait avec une canne et un bonnet. Elle avait toujours l’air en pétard. Elle baragouinait toujours contre la télé ou je ne sais pas quoi, en tout cas elle semblait énervée. Quand je la croisais je la saluais d’un « Bonjour Madame Vinaigre! » mais en général elle me répondait dans sa langue avec l’air de pester après quelque chose. La seule fois où je l’ai entendue parler français (et joyeusement en plus) c’était alors que je prenais l’ascenseur avec Manille. Elle s’est penchée vers la chienne et lui a dit: « Oh! Bonjour le chien! Tu es un gentil chien toi, oh oui! ».

Souvenirs d’EHPAD #14 : Madame Fusée

Madame Fusée était un peu spéciale. Elle était assez atteinte cognitivement et avait pas mal d’idées obsédantes. L’une d’entre elle concernait les toilettes. Elle n’arrêtait pas de réclamer les toilettes aux aides-soignantes en disant qu’elle avait envie de faire pipi alors qu’il n’en était rien. En tout cas elle ne faisait rien et ses tests médicaux n’avaient montré aucun problème urinaire. C’était comme ça, ça faisait partie de son vieillissement. Il fallait être très patient avec elle.

Un jour, alors qu’on allait lancer une activité avec mon collègue de service civique, elle a commencé avec son idée de pipi. Il me semble qu’elle a essayé d’aller aux cuisines en pensant que c’était les toilettes et quand mon collègue a essayé de la ramener sur la place du village elle a mis les freins de son fauteuil roulant. Une mule. Je suis intervenue, reine de la patience que j’étais, et lui ai proposé de l’emmener dans les toilettes juste à côté. J’ai poussé le fauteuil sur 2 mètres mais avec mon scotome central c’était pas de la tarte. Les toilettes du rez-de-chaussée s’ouvraient avec une porte coulissante, elles étaient assez larges pour y rentrer avec un fauteuil roulant et la lumière s’allumait automatiquement grâce à un détecteur de mouvement. J’ai poussé Madame Fusée dans les toilettes puis je suis sortie en fermant la porte derrière moi. Elle était en capacité de se lever de son fauteuil et de se débrouiller pour son affaire.

On a lancé l’activité dans la salle juste derrière les toilettes. Au bout d’une heure, quand l’activité s’est terminée, les résidents sont sortis. Mon collègue et moi étions en train de ranger quand l’une des résidentes est revenue pour nous dire que « ‘y a une dame qu’est dans les toilettes dans le noir ». En fait Madame Fusée était restée devant la cuvette sans bouger de son fauteuil et la lumière avait fini par s’éteindre.

Vous vous direz sans doute: « Bibi t’es horrible, t’as enfermée une pauvre vieille dame sans défense dans les waters », mais curieusement le simple fait d’être dans cette pièce l’avait calmée.

Souvenirs D’EHPAD #13 : l’anniversaire

C’était un jeudi, jour où parfois on fêtait les anniversaires des résidents. Au milieu de l’après-midi on a commencé à inviter les gens à aller dans la salle de restaurant pour la petite fête.

Il y avait une dame qui n’avait pas très envie d’y aller alors je l’ai motivée en lui disant qu’il y aurait du gâteau, des cadeaux, et que surtout c’était son anniversaire qu’on fêtait quand même. Elle s’est finalement décidée et m’a remerciée de l’avoir encouragée à venir. Je l’ai accompagnée jusqu’à la salle à manger. J’allais lui proposer une place à la table d’honneur, la table réservée aux résidents dont on fêtait l’anniversaire, quand ma cheffe est arrivée et l’a emmenée à sa table habituelle. En fait c’était pas son anniversaire.

Ce jour-là j’ai compris qu’heureusement que je travaillais avec des personnes âgées atteintes de troubles de la mémoire et pas avec de jeunes enfants.

Souvenirs D’EHPAD #12 : les petits chevaux

Ma cheffe m’avait demandé d’organiser une partie de petits chevaux avec Madame Chanvre, Madame Gaufre et Madame Tambourin. C’était un plateau de jeu spécial grand senior (et grande malvoyante aussi): grand, des pions aimantés, des petites encoches pour faire avancer les chevaux et de gros dés.

Madame Chanvre, se lamentant à voix haute parce que Madame Gaufre faisait je ne sais plus quoi avec ses pions: Oh mais non mais, ohlala c’est pas ça qu’il faut faire, oh mais il faut pas faire ça…

Madame Gaufre, en mode véner: Eh, attention toi! Je t’ai à l’oeil!

Madame Chanvre: Ohlala mais ohlala…

Madame Gaufre: Ouais, fais gaffe!

Madame Tambourin: 🍃🍃🍃

Moi, intérieurement: Putain c’est quand qu’elle se finit cette partie.

Je ne sais pas pourquoi ma cheffe avait fait cette association de joueuses mais ce fut la partie de petits chevaux la plus horrible de toute ma vie et aujourd’hui je ne veux plus entendre parler de ce maudit jeu.