Souvenirs D’EHPAD #11 : Monsieur Flotte

petit passage en unité protégée où nous avons croisé l’un des résidents dans la chambre d’une autre personne…

Moi: Monsieur Flotte, c’est pas votre chambre!

Mon collègue de service civique: Oui, vous sortez Monsieur Flotte?

Monsieur Flotte: Non.

On avait de la graine de racaille dans cet EHPAD.

Souvenirs D’EHPAD #10 : Faurniquer

On faisait une activité qui consistait à trouver des mots commençant par certaines lettres. Les résidents étaient en cercle face à un grand tableau sur lequel nous écrivions les mots qu’ils avaient déjà trouvé. À cet instant nous cherchions des mots en fa:…

Madame Olé: Forniquer!

Mon collègue de service civique: Non!

Madame Olé, 1 minute plus tard: Forniquer!

Mon collègue de service civique: Toujours pas!

Madame Olé, 1 minute plus tard: Forniquer!

Quelques résidents agacés: Oooooh!

Mon collègue de service civique: Non Madame Olé! On cherche des mots qui commencent par fa !

Madame Olé: Ah j’osais pas le dire en plus.

Souvenirs d’EHPAD #9 : la porte de Madame Limonade

Je suis passée voir Madame Limonade dans sa chambre un jour. La porte de sa salle de bain était grande ouverte. Elle a avancé vers moi et son fauteuil roulant a tapé dans ladite porte, laquelle a été propulsé contre mon arcade sourcilière. Mon collègue de service civique a entendu l « poc! » depuis l’autre bout du couloir.

Souvenirs d’EHPAD #8 : Canarocky

Atelier boxe à la résidence. Le prof avait enfilé ses pattes d’ours et s’était approché de Madame Canari.

Le prof: Allez Madame Canari, c’est à vous de boxer!

Madame Canari: Et si tu commençais par faire tes lacets d’abords?

Ding ding ding.

Souvenirs d’EHPAD #7 : Madame Limonade

Madame Limonade faisait une fixette sur son décès. Elle était très atteinte cognitivement et me donnait l’impression d’être déjà un peu partie.

Un matin, alors qu’on faisait la revue de presse à un petit groupe de résidents dans la salle TV, elle a débarqué dans le couloir. Elle faisait avancer son fauteuil roulant en traînant les pieds par terre et elle geignait: « J’veux mouriiir! J’veux mouriiir! ». Comme c’est mon collègue qui faisait la lecture et que je me contentais juste de rebondir (j’irais pas jusqu’à dir que je n’étais pas essentielle mais bon, cf: « Quel drôle d’accoutrement qu’ils ont les gilets jaunes, vous ne trouvez pas? ») je me suis levée de mon tabouret pour aller voir la dame.

– J’veux mouriiir! Vous vous rendez compte, j’ai 94 ans et j’arrive pas à mourir! a-t’elle geint.

– Mais non Madame Limonade, vous n’allez pas mourir! j’ai répondu.

Je regrette beaucoup de lui avoir dit ça. C’est ce que tout le monde lui répondait: vous n’allez pas mourir, Madame Limonade. Or, si on l’avait écoutée un peu elle ne disait pas qu’elle ne voulait pas mourir mais qu’elle VOULAIT. Elle n’était plus bien, elle était très tourmentée. J’aurais aimé lui répondre: « Mais si Madame Limonade, encore un petit effort vous allez y arriver! ». On a une vision trop sacrée de la vie mais parfois les gens ne vieillissent pas bien et c’est un peu comme s’ils mourraient avant leur corps.

Cette dame a fini par mourir durant mon service civique. J’ai ressenti un pincement au coeur en même temps qu’un soulagement pour elle quand j’ai appris son décès. Je pense que si elle aussi l’avait su elle aurait été contente.

Souvenirs D’EHPAD #6 : atelier poste

Un jour, alors qu’il allait y avoir l’atelier boxe, j’ai étée chargée d’aller chercher Madame Feuille dans sa chambre. Madame Feuille avait une DMLA et était très sourde. Elle avait des appareils auditifs mais elle ne devait pas les porter dans sa chambre.

– Madame feuille vous venez, il y a l’atelier boxe, ai-je dit.

– Comment? m’a-t’elle répondu.

– Il y a l’atelier boxe.

– Hein?

– L’atelier boxe!

– Quoi?

– La boxe!

À ce moment-là j’ai pris une grosse voix pour que la dame m’entende. Il s’agissait pas de crier (quoiqu’on n’en était pas loin) mais de prendre la voix la plus grave possible.

– La boxe!

– La poste?

– Non, la bo-xe!

– La poste?

– Bo-xe!

– Poste?

Ma cheffe est passée dans le couloir et s’est marrée en nous entendant.

– IL Y A LA BOXE!

– Heu. La poste?

– LA BOXE!

– La poste?

– BO-XEUH!

– La poste?

Elle était aussi bouchée que moi maintenant putain.

– BOOOO-XEUUUH, BOXER! ai-je dit en lui boxant (doucement hein) le bras.

– Ah! La boxe?

– Ooouuuiii!

Souvenirs d’EHPAD #5 : Madame Canari

J’adorais Madame Canari même si je pense qu’elle redécouvrait mon existence chaque matin. Cette dame avait un Alzheimer assez avancé. Elle avait une très mauvaise mémoire à court-terme mais elle était calme et n’étais pas en unité protégée. Il me semblait qu’elle souriait toujours. Sa chambre était assez incroyable: pleine d’affiches et de photos sur les murs, un secrétaire en bois vernis, une grosse lampe avec un abat-jour en tissu à franges de fils posée dessus. Sa chambre avait une odeur particulière, quelque chose de réconfortant et d’ancien peut-être. Je l’avais reconnue à l’odeur le deuxième jour (et croyez bien qu’au début c’était pas de la tarte de se repérer avec toutes les chambres des résidents).

C’était l’une des rares résidentes à se déplacer debout et sans canne du coup le midi je lui donnais mon bras et je l’accompagnais à sa table. On avait toujours des petits échanges tous simples mais que j’aimais beaucoup. Un jour elle s’est extasiée parce que je me souvenais qu’elle s’appelait Madame Canari alors que son nom était pas évident à retenir (pour les besoins du blog j’ai modifié le nom des résidents mais son véritable nom était tout sauf compliqué, je m’en souviens encore). J sais pas si elle se souvenait que je l’emmenait ainsi chaque midi mais dès qu’elle me voyait elle dépliait ses jambes croisées et semblait prête à se lever du fauteuil dans lequel elle était assise, le tout avec un grand sourire.

Un jour elle a pris mon bras pour aller à la salle à manger et voici ce que nous nous sommes dit:

– tu es ma guide! a-t’elle déclaré.

– Et vous? ai-je répondu. ´

– Je suis ton programme!

Et j’ai souri.

Souvenirs d’EHPAD #4 : l’unité protégée

L’unité protégée était au premier étage de la résidence. Comme à chaque étage, il y avait les chambres des résidents et une grande salle commune qui faisait office de salon. Dans cette salle commune il y avait une petite cuisine, deux grandes tables, une télé et un canapé. La particularité de cet étage était qu’on ne pouvait avoir accès aux ascenseur et aux escaliers que par un code. Les personnes qui étaient à cet étage étaient en effet les plus atteintes de troubles cognitifs et pour leur sécurité ne descendaient jamais au rez-de-chaussée avec les autres résidents. Éventuellement de temps à autres certains venaient assister à des activités spéciales ou des spectacles dans la salle à manger mais c’était rare.

Un après-midi mon collègue de service civique et moi avons été en unité protégée pour faire une activité gâteau avec la psychologue. Celle-ci avait réuni les ingrédients nécessaires sur l’une des tables et avait imprimé en grosses lettres la recette du gâteau au chocolat. Chaque résident avait sa feuille de recette devant lui et on leur avait donné à chacun un petit tablier en plastique qui s’enfilait par la tête. J’avais été chargée d’aider Madame Carreau à mettre le sien et ça l’avait vachement enthousiasmée parce qu’elle avait soufflé: « Mais fiche-moi la paiiix ». Voilà comment s’était déroulé la suite de notre préparation culinaire:

La psychologue: Alors Madame Soulier, quelle est la première étape de notre recette?

Madame Soulier, lisant sa feuille: Casser le chocolat en morceaux.

La psychologue: Monsieur Purée, ne mangez pas le papier aluminium du chocolat!

(le chocolat fut cassé en morceaux)

La psychologue: Et maintenant Madame soulier, que fait-on?

Madame Soulier, lisant sa feuille: Casser le chocolat en morceaux.

La psychologue: C’est fait! Monsieur Purée, ne mangez pas le sucre s’il vous plaît! Et maintenant Madame Soulier, que fait-on?

Madame Soulier, lisant sa feuille: Casser le chocolat en morceaux.

La psychologue: Monsieur Flotte, ne mangez pas le beurre!

Monsieur Flotte, la bouche pleine: Merde!

La psychologue: Madame Soulier, que fait-on après avoir cassé les morceaux de chocolat?

Madame Soulier, lisant sa feuille: Faire fondre le beurre.

(le beurre fut fait fondu, se dit-se t’il faire fondu?)

La psychologue, approchant le bol de beurre fondu à Madame Carreau: Vous voulez touiller, Madame Carreau?

Madame Carreau: Laisse-moi tranquiiille.

La psychologue: Et maintenant Madame Soulier, que fait-on?

Madame Soulier, lisant sa feuille: Casser le chocolat en morceaux.

Souvenirs D’EHPAD #2 : la place du village

On appelait le hall de la résidence « la place du village ». C’était un endroit commun où les résidents pouvaient se retrouver et où on organisait parfois certaines activités.

Un jour, Madame Fusée qui y était , commencé à me parler pipi. Je ne me souviens plus exactement mais il était question de la couche qu’elle portait. Elle a voulu me montrer et s’est mise à déboutonner son pantalon.

– Mais non Madame Fusée, ai je protesté, vous ne pouvez pas vous déshabiller sur la place publique enfin!

Quel beau lapsus.