Bonne nuit Planplan

C’était le soir, j’avais pris ma douche, j’était en pyjamas. Manille était déjà en train de ronfler sur son pouf, bref c’était l’heure d’aller se coucher. Je me suis dirigée vers la paillasse de la cuisine, là où trône un drôle de chargeur plat depuis des mois. J’ai porté la main à mes cheveux, défait la petite pince en fer, et tout en gardant une prise sur celle-ci et le fil en nylon auquel elle est reliée, j’ai enlevé mon processeur et l’ai mis à charger. Et je ne sais pas pourquoi j’ai phasé sur ce geste.

J’ai réalisé que, a priori, cette « routine » j’allais l’avoir toute ma vie. Ça prend vraiment quelques secondes pour retirer l’attache de sureté puis Planplan (si vous n’aviez pas compris, c’est le surnom ridicule que j’ai donné à mon processeur, parce que j’aime rire). Et hop black out, on coupe le courant. Je ne dirais pas que je « retourne dans le monde du silence ». Déjà parce que j’aime pas cette expression, je la trouve un peu péjorative et assez angoissante. Je comprends ce que les gens entendent par cette expression, surtout quand ces personnes sont devenues sourdes (et t’as vu j’ai utilisé l’expression « entendre » pour parler de surdité, et le monde n’a pas explosé). Je vois ce que c’est censé représenter, mais je sais pas il y a quelque chose qui me chiffonne avec cette métaphore. Bon. Ensuite je ne l’utiliserais pas pour la simple et bonne raison qu’avec les acouphènes que je me paye, le silence je peux me le rouler et me le mettre derrière l’oreille (mais que de calembours aujourd’hui!!). Tout ça pour dire que je suis constamment dans le bruit. Et je perçois encore certains sons de l’oreille gauche. Ça ne me permettrait pas de suivre un débat sur l’Islande en France, disons plutôt que je devine qu’Eren est en train de regarder une vidéo ou de rager sur son jeu dans le lit.

Plus

« J’ai des trous dans la tête, des trous dans la tête »

J’ai découvert il y a peu que, pour faire passer une partie de mon implant cochléaire, on m’avait retiré un morceau d’os juste derrière l’oreille. Ça fait à peu près la taille de deux phalanges, ça ne se voit pas et ça ne fait absolument pas mal. Je suis allée montrer ma découverte à mes parents.

Ma mère, se repliant sur elle-même comme une chenille: Ah mais ça veut dire que si on appuie dessus on touche le cerveau?? Oh non non non je ne veux pas toucher, je ne veux pas voir arrête ça!

Mon père: Ah bon? Fais voir!

J’ai traumatisé ma maman je crois.

Pouët

J’étais assise à la table de la cuisine en train de travailler lorsque Manille est venue s’asseoir à côté de moi. Je sais pas si c’était un soupir ou un pet, quoi qu’il en soit la chienne a fait « pouët ». Les aléas de l’implant cochléaire.

Bloody Medusa, the Evil Volt-Gum et Mr. Cup Of Darkness

Quand j’avais commencé à me faire suivre au service ORL du Kremlin-Bicêtre, mon équipe avait vraiment tout mis en oeuvre pour comprendre ce qu’il se passait. Je perdais la vue, l’ouïe, j’avais une certaine sensibilité au bras, bref y avait anguille sous roche. C’était ainsi qu’on m’avait envoyée passer un examen clinique dans le service de neurologie de Bicêtre. La neurologue qui m’avait reçue, qui était vraiment gentille au passage, avait souhaité me faire passer des examens complémentaires. Mes deux équipes avaient convenu de me faire hospitaliser un jour avant mon implantation afin de réaliser une IRM et un électromyogramme. J’avais demandé à reporter, parce que ça faisait trop à gérer (les examens la veille, l’opération le lendemain, le stress). Finalement mon rendez-vous avait été remis au lundi 25 octobre.

Ce lundi donc, j’avais rendez-vous à 09h30 à Bicêtre pour passer mes examens. J’avais mis mon fameux t-shirt des examens médicaux, un t’shirt très large Rick et Morty avec un Monsieur Larbin (petit personnage bleu ciel de la série) qui lève les bras en l’air tout en faisant un grand sourire avec l’inscription « existence is pain » au-dessus de sa tête. Ça me fait rire de le porter pour ce genre d’occasion, un peu pour dire « je sais que vous allez me manipuler de partout comme une souris blanche, mais c’est pas grave j’accepte mon sort lol ». Mon père et moi on a rencontré un interne qui nous a annoncé le programme de la journée: IRM à 10h, électromyogramke à 11h et ensuite examen clinique/entretien avec la neurologue en chef. Chouette programme hein. J’ai bien aimé cet interne, parce que ce jour-là j’avais du mal à le comprendre (la pièce résonnait) donc on est passé par écrit. Plutôt que de s’adresser exclusivement à mon père il n’a pas hésité à prendre son téléphone pour m’envoyer lui-même des messages et m’expliquer de quoi ils étaient en train de parler. Très sympa. Donc vers 10h on est allé au pôle imagerie médicale avec mon père. On a dû parcourir 1km au moins avant d’arriver à la salle d’IRM (j’exagère mais à peine, Bicêtre c’est très grand et y a beaucoup de couloirs qui partent dans tous les sens). On est arrivé, une dame en blouse blanche est arrivée, et là ça a commencé à devenir drôle.

Plus

Comment t’entends avec l’implant?

Avant de commencer cet article, je voudrais dire merci aux personnes qui m’ont posée des questions sur ce que je vivais actuellement. La curiosité tant qu’elle est bienveillante est une bien belle qualité. Je suis toujours contente de répondre à des questions, de partager mon expérience et ma « perception du monde » en quelque sorte. C’est chouette de poser des questions, de demander pourquoi, de chercher à comprendre et à sortir de ses propres pompes. Merci de me lire et de poser des questions!

Aujourd’hui je vais essayer d’expliquer comment j’entends avec mon implant (j’avais dit que je le ferai dans mon article sur L’audiolink). C’est difficile pour moi d’y répondre pour plusieurs raisons. Déjà, je n’en suis qu’à 4 mois de mon activation. J’en ai pas encore fini avec la rééducation, et à chacun de mes réglages je peux percevoir les choses différemment. C’est d’ailleurs ce que m’a dit mon orthophoniste dernièrement, « le travail avec l’implant c’est pas en ligne droite ». Un jour je comprendrais assez bien ce que vous direz et la semaine d’après ça sera compliqué, et c’est normal. Ça varie, surtout que je suis encore en train de m’habituer à mon implant. Il y a des jours où je suis fatiguée, stressée, pas dans mon assiette et ça joue sur ma compréhension. Ainsi que la taille de la pièce. Ainsi que le bruit environnant. Ainsi que l’alignement des planètes. Ensuite, chacun réagit différemment à l’implant donc je ne peux pas (et ne veux pas) parler au nom de toutes les personnes implantées. Mais je vais essayer de vous expliquer comment ça se passe pour moi.

Plus

Rencontre du 3e type avec mon nerf facial

Dans la série « il m’arrive des trucs improbables », mon nerf facial droit m’a dit coucou à cause de mon implant cochléaire. Alors attention, je parle en tant que bibi, implantée à 23 ans en raison d’un nerf auditif devenu subitement paresseux. Chaque cas est différent. Le phénomène que je m’apprête à vous conter se manifeste pas chez tous les patients ayant un implant cochléaire, d’après ce que j’ai compris c’est pas si fréquent que ça.

L’histoire commence il y a environ un mois. C’était le jour de mon 5e réglage. Bon alors pour les âmes non-initiées, quand on vous pose votre implant vous ne rentrez pas chez vous tout sourire avec la capacité d’entendre à nouveau, non. Pour entendre, et surtout comprendre, ça va demander des mois durant lesquels vous aurez de la rééducation orthophonique et des réglages. Le tout premier réglage, le processeur va envoyer un peu de jus mais pas trop pour que le cerveau ait le temps de s’habituer. On augmente progressivement la quantité d’électricité dans l’implant (j’espère que je ne dis pas de conneries, ne prenez pas ce que je dis pour argent comptant). Quand vous vous habituez au réglage, le son peut vous paraître plus faible. C’est tout à fait normal, c’est signe qu’il faut monter encore un peu le réglage. Bon. Il y a un mois donc, c’était mon 5e réglage. J’avais trèèèès hâte d’avoir mon nouveau réglage, car le dernier datait du mois de juillet et j’avais l’air de m’être pas mal habituée parce que le son me paraissait vraiment faible et je n’arrêtais pas de faire répéter (vraiment beaucoup répéter). On a commencé le réglage, ce qui consiste à me faire écouter plusieurs séries de bips à différentes fréquences et je dois dire stop quand le son est trop fort. Tout se passait bien, j’étais concentrée sur mon fauteuil. Et tout à coup, alors que j’entendais un bip, j’ai eu un petit spasme sur le visage. Et puis un autre. Et un autre. À chaque bip. Sur la joue, la paupière ou le menton, parfois les trois en même temps. Des petits spasmes, et des vraiment gros. Sur le coup j’ai rien dit, parce que j’avais eu des réactions lors des premiers réglages et donc je savais que parfois il y avait des petites manifestations temporaires. Par exemple, l’une des fréquence (qui de mémoire était grave) me donnait l’impression de « cogner » dans mon crâne, mais c’était normal. J’avais jamais eu de spasme auparavant et je suis bêtement partie du principe que c’était sans doute le même délire. On a fini le réglage donc, j’étais contente parce qu’il était bien fort. Et puis…

Plus

Cybourveugle

« Tu fais un peu cyborg » m’a dit mon père à propos de mon implant cochléaire. J’ai répondu « et encore tu m’as pas vu au réglage d’aujourd’hui ». Quand on fait les réglages de l’implant, quand on programme le processeur externe, moi et Planplan on est relié à l’ordinateur du régleur par un long câble. Aujourd’hui on a aussi mesuré l’activité de mon nerf auditif (les potentiels évoqués), et là c’était carrément le festival de l’high-tech parce que j’avais des électrodes sur le front et derrière l’oreille, un câble branché dessus et un autre à Planplan, le tout relié à une espèce de table de mixage. Et même que parfois ma plage braille qui fonctionne en bluetooth provoque des interférences entre ma télécommande de volume et mon processeur. J’suis pas SourdAveugle, j’suis dans le turfu j’ai pas le temps moi.

Mentalisme

Ce qui est marrant avec l’implant cochléaire c’est que vous pouvez vous boucher les oreilles vous entendrez quand même. Ça a un côté un peu Xmen, en fait vous êtes télépathe et vous pouvez communiquer avec l’au-delà.

Dis Planplan

J’explique à un copain qu’au stade où j’en suis de ma rééducation avec mon implant cochléaire, il faut me parler lentement, pas trop fort mais assez quand même, bien articuler et parfois répéter.
Lui: Ah oui c’est comme quand on parle à Siri en fait!
En vrai oui, sauf que moi je suis pas capable de vous réciter la recette du cake aux olives si vous me la demandez.