C’était le soir, j’avais pris ma douche, j’était en pyjamas. Manille était déjà en train de ronfler sur son pouf, bref c’était l’heure d’aller se coucher. Je me suis dirigée vers la paillasse de la cuisine, là où trône un drôle de chargeur plat depuis des mois. J’ai porté la main à mes cheveux, défait la petite pince en fer, et tout en gardant une prise sur celle-ci et le fil en nylon auquel elle est reliée, j’ai enlevé mon processeur et l’ai mis à charger. Et je ne sais pas pourquoi j’ai phasé sur ce geste.
J’ai réalisé que, a priori, cette « routine » j’allais l’avoir toute ma vie. Ça prend vraiment quelques secondes pour retirer l’attache de sureté puis Planplan (si vous n’aviez pas compris, c’est le surnom ridicule que j’ai donné à mon processeur, parce que j’aime rire). Et hop black out, on coupe le courant. Je ne dirais pas que je « retourne dans le monde du silence ». Déjà parce que j’aime pas cette expression, je la trouve un peu péjorative et assez angoissante. Je comprends ce que les gens entendent par cette expression, surtout quand ces personnes sont devenues sourdes (et t’as vu j’ai utilisé l’expression « entendre » pour parler de surdité, et le monde n’a pas explosé). Je vois ce que c’est censé représenter, mais je sais pas il y a quelque chose qui me chiffonne avec cette métaphore. Bon. Ensuite je ne l’utiliserais pas pour la simple et bonne raison qu’avec les acouphènes que je me paye, le silence je peux me le rouler et me le mettre derrière l’oreille (mais que de calembours aujourd’hui!!). Tout ça pour dire que je suis constamment dans le bruit. Et je perçois encore certains sons de l’oreille gauche. Ça ne me permettrait pas de suivre un débat sur l’Islande en France, disons plutôt que je devine qu’Eren est en train de regarder une vidéo ou de rager sur son jeu dans le lit.