On a fait une descente à Franprix (en mode kassélagueule)

Avertissement: il se peut que ce titre soit légèrement racoleur voire putaclic. Mes excuses, vous connaissez mon amour pour l’exagération.

Ma mère était venue chez moi pour qu’on fasse un repérage du centre-ville ensemble. On avait profité de cette balade pour racheter des croquettes à Manille chez Monoprix.

On galérait un peu à trouver le fameux sac dans les rayons. Il y avait urgence, notamment car cela faisait 30 minutes que Manille attendait son goûter. La chienne était si désespérée et affamée qu’elle était à deux doigts de se pendre avec sa laisse. « T’es sûre qu’Eren les achète ici? », m’a demandé Maman. J’ai répondu: « Oui, avant il allait au Franprix plus loin mais depuis le jour où leur manager nous a BRUTALISÉ Manille et moi il ne veut plus y aller ». Et elle m’a répondu: « Oh, on peut aller là-bas après! ». Elle est comme ça Maman.

L’histoire remonte à il y a un peu plus d’un an. J’étais allée à Franprix avec Manille et une copine à l’époque. On voulait acheter des gâteaux et du thé pour le goûter (pas celui de Manille cette fois). J’étais rentrée avec mon petit masque fleuri sur le nez et j’avais pris grand soin de m’arrêter à l’entrée pour me passer les mains au gel hydroalcoolique car c’est HYGIÉNIQUE. Je savais où se trouvait le fameux rayon où se trouvait notre bonheur. J’avais dit à Manille: « Allez, devant! », et Manille s’était engagée dans les rayons en mode très professionnelle, comme toujours.

Manille et moi étions tellement absorbées par notre quête que ni l’une ni l’autre n’avait vu le manager du Franprix arriver et poser sa fine main sur la poignée du harnais de ma chienne guide. Un geste que je déteste, personne n’a à toucher le harnais de ma chienne, encore moins quand elle travaille. Il avait donc attrapé la poignée pour me stopper, ce qui était très civilisé et respectueux de sa part. J’avais ouvert des yeux tout ronds, un peu étonnée de ne plus avancer. J’avais tourné la tête et découvert un type qui avait l’air d’être un employé. J’apprendrais plus tard par Eren, grâce à la description physique donnée par ma copine’ qu’il s’agissait en fait du manager.

On était en octobre 2020, je commençais à sérieusement perdre mon audition. À cause du bruit ambiant je n’arrivais pas à percevoir clairement ce que le manager disait. Il n’avait pas l’air franchement amical. Il avait dit à ma copine qu’il ne voulait pas de ma chienne guide dans son magasin sous prétexte que j’étais accompagnée.

J’avais été très choquée par la vidéo de Arthur et Loya refusés dans un Monoprix il y a quelques années, tant par la violence de la scène que par certains commentaires sous ladite vidéo. Je me souviens notamment de gens qui disaient: « Je me fais l’avocat du Diable, mais l’aveugle il est venu avec son ami, donc il pouvait faire un compromis et laisser son chien dehors, ou bien attendre que son ami fasse les courses ». J’ai jamais fait de droit, mais ça me paraît un peu compliqué d’être l’avocat de qui que ce soit quand on ne connaît pas la loi. La loi elle dit que les chiens guides ont accès à tous les lieux ouverts au public, aux transports et aux lieux de travail, de formation et d’éducation; au risque d’une belle amende si refus il y a. Ça comprend: les écoles, les magasins, les restaurants, les taxis, les hôpitaux, tout. Et il n’y a pas de paragraphe pour dire « sauf quand la personne est accompagnée, faut pas exagérer non plus ».

Je ne sais pas si vous réalisez qu’il en va de l’autonomie de la personne, de sa sécurité et de sa dignité même. Parce que là concrètement ce que ça signifie « Laissez votre chien à l’entrée car vous êtes accompagnée », c’est que j’ai pas de libre-arbitre, pas d’importance, pas droit à la considération, rien, je suis une pauvre petite handicapée qui n’a pas son mot à dire et qui est incapable de se débrouiller par ses propres moyens. Crachez-moi à la gueule c’est pareil.

Le manager avait donc essayé de passer au-dessus de la loi sur la base de cet argument. Il avait demandé à ce qu’on laisse le chien (LE chien, Manille était outrée d’être ainsi mégenrée) dehors, attaché à un poteau grosso modo. Je ne sais pas si vous êtes au courant, vous, mais un chien guide ça vaut cher. Son éducation coûte en moyenne 25 000 euros et ils sont remis gratuitement à leurs maîtres. Tout ça grâce à la solidarité et aux dons faits aux écoles de chiens guides. Je ne sais pas vous, mais personnellement j’ai moyennement envie de laisser 25 000 euros sans surveillance sur un trottoir. Vous doutez que le vol de chien guide puisse exister? Pourtant c’est le cas, parce que justement ces chiens valent cher, sont bien éduqués et beaucoup trop gentils.

Je ne laisserais pas 25 000 euros seuls sur le trottoir le temps de faire mes courses, ni un enfant, ni une amie en détresse, ni rien. Je ne sais pas si vous réalisez l’état de stress dans lequel cela pourrait mettre l’animal de se retrouver attaché à un poteau, voir son humain entrer seul dans un grand magasin et l’attendre pendant des minutes seul au milieu des passants et du bruit de la circulation. Ces chiens, depuis touts petits, sont habitués à être constamment avec leur gardien et sont h24 avec eux. C’est une relation très forte. Bien sûr, parfois on peut se « séparer ». Que ce soit le laisser à l’accueil de la piscine municipale ou quelques heures à la maison le temps d’aller à un concert de metal, c’est pas impossible. Ces chiens s’adaptent et ont appris à gérer ce genre de situation. Mais je trouve le fait de séparer un chien guide de son maître en le laissant attaché à un poteau devant le magasin d’une violence sans nom.

« Manille, tu prends soin de moi et je prends soin de toi, mais là je vais t’abandonner 5 minutes toute seule sur le trottoir. Allez à tout à l’heure ma grande, compte les voitures qui passent ou sniffe ce poteau! ». Absurde. Et ce genre de comportement de la part d’un manager qui connaissait très bien la loi montre une chose: on ne respecte pas les chiens guides. On n’a pas de reconnaissance, pas de considération pour ce qu’ils font. Ils font un réel travail, et c’est pas un gros mot de le dire. Ce sont de véritables assistants. Ils sont intelligents, dévoués et impliqués dans leur travail. Ils méritent qu’on les respectent, tout comme les personnes qui oeuvrent à leur éducation (éleveur, famille d’accueil, éducateur…). Refuser un chien guide c’est nier le rôle qu’il joue ainsi que le temps et l’énergie que ça a nécessité pour qu’il en arrive là.

Face aux protestations de ma copine (moi j’étais bouchée, j’essayais de comprendre ce qu’il baragouinait ce monsieur) il avait sorti le fameux argument de l’HYGIÈNE. Parce que Manille, du haut de son 50 cm au garrot, pouvait mettre des poils partout j’imagine. J’imagine également que mes 60 cm capillaires n’étaient pas un souci, les cheveux ça ne tombe jamais c’est bien connu; que Bébert venu acheter quelques tomates et qui ne se lave jamais les mains après être allé aux toilettes non plus car il était forcément passé par le distributeur de gel hydroalcoolique à l’entrée; et les rongeurs qui traînent dans la réserve non plus car eux aussi se nettoyaient les pattes au gel hydroalcoolique. Voilà, le bon gros argument de la mauvaise foi. Et je ne rajouterais pas qu’Eren avait un jour vu ce même manager remettre en rayon des articles et gérer la caisse sans son masque à l’époque où c’était juste obligatoire de l’avoir dans ce genre de lieu, non non non je ne le ferais pas.

La chienne est là pour m’aider à naviguer sereinement entre les rayons sans risquer de me heurtar à un client ou à une palette qui traîne par terre, pas pour m’aidar à choisir mes tomates ou faire des claquettes sur le tapis de caisse.

Quand j’avais réalisé que le manager était en train de parlementer pour foutre Manille dehors j’avais simplement dit: « Elle a le droit ». J’avais pas pris la peine de lui sortir les textes de loi, il les connaissait très bien puisqu’il avait fini par lâché l’affaire. Il l’avait fait non sans nous mettre un dernier coup de pression: « Bon ok mais faites vite alors ».

Il y avait une dame qui avait dit quelque chose comme quoi c’était honteux, elle avait laissé son panier d’achat dans les rayons et était partie du magasin. J’aurais aimé m’en être rendue compte sur le moment et lui dire merci. C’était la meilleure attitude à avoir face à ce charmant manager. Je pense d’ailleurs qu’il avait laissé tomber car il y avait du monde autour de nous et personne avait l’air de le soutenir dans sa connerie.

On s’était senties un peu miteuses dans les rayons. D’autres clients étaient venus nous voir pour nous rassurer et nous dire de prendre notre temps. Au loin le manager avait l’air d’échanger des blagues et de se fendre la gueule avec sa caissière. Grosse ambiance.

Je peux pas le prouver, mais le manager a fait semblant d’être un client. Un random venu faire ses courses et chercher des noises. Je l’avais pas vu faire mais d’après ma copine il donnait l’impression de fureter dans les rayons et de chercher des articles. Bon, soit, ça pouvait être de la mise en rayon après tout. MAIS. Lors de notre passage en caisse, la même caissière qui se tapait des barres (des codes barres, ouh elle me frise un peu le cerveau cette anecdote) avec lui quelques minutes plus tôt nous avait dit: « C’est un malentendu, il a pas compris le monsieur ». Le monsieur n’a pas compris? Je voudrais pas lui prêter des intentions qui ne seraient pas les siennes mais à mon avis le monsieur il avait demandé à son employée de jouer la carte du client random pour pas qu’on lui attire des ennuis derrière. Parce qu’il était en tort et qu’il le savait très bien, que j’aurais pu porter plainte ou péter un gros scandale dans son Franprix. Le plus drôle dans l’histoire c’est que j’avais jamais eu aucun souci auparavant avec ses employés. Employés qui connaissent la loi, eux. Même que l’une des responsables de rayon m’avait dit, sans lui avoir posé de question, qu’il n’y avait aucun souci avec mon chien guide et que c’était normal. Bref.

Mon audition devenant de pire en pire j’avais pas eu le courage d’y aller à nouveau et j’avais pas eu la force non plus de porter plainte. Eren avait décidé de ne plus y retourner du tout. C’était comme si le manager avait gagné (même si en soi il a perdu deux clients, peut-être même plus si d’autres gens présents ce jour-là auraient décidé eux aussi de boycotter le Franprix).

Des fois quand on passait devant avec Manille elle essayait de m’y emmener d’un pas très déterminé et l’air de dire: « Viens on va lui péter les genoux, je suis peut-être petite mais j’ai tout plein de dents et elles sont toutes pointues! ».

On avait beau être à Monoprix avec la quasi totalité de nos articles dans les bras, faire un tour à Franprix ensuite était très tentant. On a finalement trouvé les croquettes, payé le tout et on est allées déposer les courses chez moi. Manille a eu son goûter, c’était moins une avant qu’elle ne se jette au sol et qu’on soit obligées de rentrer en la traînant par la laisse comme un sac à patates. On est ensuite reparties se promener un peu dans le centre-ville.

On a fini notre tour et sur notre chemin le Franprix nous attendait, façade rougeoyante et béante comme les portes des enfers (non j’exagère pas je décris ce que je vois, nuance). Ma mère m’a relancée: « Viens on y va! ». « Oh je sais pas », j’ai dit tout en retirant mes lunettes de soleil et en faisant craquer mes doigts (même si en vrai j’ai pas fait craquer mes doigts). « Chiche! » a insisté ma mère en faisant tournoyer sa batte de baseball (y a t’il besoin de préciser quoi que ce soi?). Alors Manille a bifurqué sans aucune hésitation ni instruction de ma part dans le magasin (ça c’est vrai par contre, elle avait dû sentir le vent de la castagne et voulait en découdre elle aussi).

Une fois à l’intérieur ma mère m’a demandé: « De quoi as-tu besoin? ». J’ai répondu le premier truc qui m’est passé par la tête, à savoir du fromage. Ma mère m’a demandé quoi comme fromage. J’ai été dans l’incapacité de lui répondre tant une myriade de possibilités s’offraient à moi. Mince, que choisir, vite il faut se décider… « Du camembert!! », ai-je piaillé, parce que c’est le roi des fromages (Bbi qui en cours de relecture tape « qui est le roi des fromages » dans son moteur de recherche et découvre qu’il s’agit en fait du roquefort, le monde n’est que déception et amertume). « Tu veux pas un petit peu de chèvre aussi? », m’a demandé Maman, parce que le camembert est certes un fromage de haut rang mais il est moins healthy que le fromage de chèvre.

Manille s’est mise à faire des pompes et des squats au milieu des rayons, non c’est faux elle est restée très sage au bout de son harnais car c’est une petite chienne guide fort bien éduquée.

Ma mère m’a demandé si je voulais prendre de la tisane alors j’ai dit qu’un thé au lotus ou au jasmin serait parfait. Il n’y en avait pas mais je suis quand même repartie avec 3 boîtes de thé différentes. Elle est comme ça Maman.

Au moment où nous nous dirigions vers la caisse, ma mère m’a demandé si je voulais du pain. J’ai répondu que non car il était tout le temps rassis ici. C’est pas très sympa mais c’est un fait: leur pain est aussi bon que leur manager est aimable.

J’aimerais vous dire qu’au moment de payer le manager est apparu et qu’on lui a mis la honte devant tout le monde mais ça n’est pas arrivé. Il n’était pas là ce jour-là. Quel dommage.

Tant pis, ce sera pour la prochaine fois (j’espère que la chute ne vous déçoit pas trop après tant d’intrigue)!

5 commentaires

  1. Avatar de Cambien Cambien dit :

    J’adore trop ton article, ça vaudrait le coup de l’imprimer et de le glisser dans la boîte aux lettres du Franprix…mais aurait il le faire play de le lire jusqu’au bout ? Où peut-être y a-t-il un Facebook pour ce Franprix, histoire de déposer un avis???
    Bref, tout est bien envoyé, bravo Noëlie💙

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    1. Avatar de Billie Noëlie dit :

      Haha pas mal l’idée d’imprimer, en plus je viens de terminer de corriger les dernières coquilles (j’avais trop envie de le publier oupsie j’ai pas tout vu). Ça date un peu cette histoire mais ça vaudrait le coût de la ressortir surtout s’il lui reprenait l’envie de faire sa loi!!
      (au fait, t’es une VIP j’ai même plus besoin d’approuver tes commentaires manuellement ça se fait automatiquement haha)

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  2. Avatar de Soline Soline dit :

    Haaaaa j’attendais le moment de la castagne quand ta mère défonce le rayon fromages à coups de battes de base-ball (en évitant soigneusement d’écraser le camembert et le chèvre quand même).

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    1. Avatar de Billie Noëlie dit :

      Haha, oh non on est polie et courtoise nous !

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