La croisée des destins

Décrivez une rencontre fortuite avec un inconnu qui vous a marqué positivement.

J’en ai déjà un peu parlé dans Train de vie-rement de bord et Assistanner: mon aller en train à Toulouse rime avec rencontres improbables.

Quand on est arrivés en gare de Toulouse (après le périple en mode Ulysse s’en retourne à Ithaque) j’ai donné une carte de visite du blog à la personne qui m’avait guidée. Je m’étais dit qu’elle pourrait lire mes articles ici pour comprendre un peu mieux à quelle bestiole elle avait eu affaire; puis si elle voulait elle pouvait me contacter via les réseaux sociaux du blog. Elle m’a contactée et m’a raconté toute l’histOire.


Ici je vous ai retranscrit ce que j’avais ressenti, ce que j’avais perçu à travers ma petite bulle. Comme pour la plupart des anecdotes que je raconte ici l’histoire était un texte à trous. Vous avez eu ma version des faits mais il manquait un paquet de détails (auxquels je n’avais pas accès sur le moment) pour que le tableau soit complet.

J’ai cru que mes accompagnateurs voyageaient en groupe et m’avaient prise sous leur aile. Or, personne ne se connaissait.

Il y avait ma voisine de siège, un monsieur travaillant à la SNCF mais en repos ce jour-là (quelle tuile quand même), un autre monsieur (qui était venu me dire que y avait un problème avec le train et qui je crois avait pas trouvé que c’était drôle quand je lui avais dit toute contente que c’était marrant que pour mon premier voyage solo il y ait un pépin) et ma guide. Plus moi. Ils étaient non pas 10 mais 5, et personne ne meurt à la fin (mh je viens de vous spoiler 10 petits nègres, désolée).

Ce que ma guide m’a expliqué c’est qu’en fait absolument personne ne se connaissait mais que chacun s’est mis à jouer un rôle pour les autres: s’assurer que personne n’avait rien laissé en descendant du train, mobiliser ses contacts pour aider les autres à finir leur trajet dans de bonnes conditions, gérer le déplacement de tout le monde sur le quai et le plus important rôle de tous qui consistait à suivre le groupe en faisant risette (ça c’était le mien, indispensable assurément).

Il s’est mis en place une espèce de solidarité dingue alors qu’on ne se connaissait pas.


Je fais un petit aparté sur ma guide qui m’a raconté comment elle était venue vers moi car je trouve l’histoire intéressante.

Je crois qu’elle avait de l’appréhension et ne savait pas comment se lancer pour m’aborder quand les choses ont commencé à partir en cacahuète.

Le matin elle avait vu Père me parler doucement à l’oreille/l’implant. Alors, je pense que Père était un peu stressé donc il a fait vite et naturellement il s’est mis à parler, en plus il avait très envie de faire pipi donc il devait être pressé que je m’assois et que je la ferme(« Oui Bibi c’e/t bien ta place pose pas de question stp le train va partir et moi avec, en plus j’ai envie de faire pipi »). Et J’AVOUE j’ai fait un truc de sourde en répondant: « Mhh oui oui d’accord » alors que j’avais riiiieeen compris à ce qu’il me disait.

Elle a été tentée de m’aborder « en parlant fort » mais elle avait peur que j’aie l’impression de me faire crier dessus alors elle a décidé de faire autrement (et je l’en remercie vivement, sachez d’ailleurs que c’est pas nécessaire de « crier » pour vous faire comprendre par quelqu’un avec un implant cochléaire. Il faut surtout bien articuler. Souvenez-vous que ce truc c’est un micro mais que c’est notre cerveau qui décrypte ce que l’IC lui envoie. Et dans mon cas la connexion est flinguée sa mère en plus).

Elle m’a observée (Big Brother is watching you).

Elle m’a vue bidouiller sur mon téléphone et « regarder » l’écran donc elle a eu l’idée d’écrire un message s1r le sien en très gros. En réalité je faisais juste l’andouille en story sur Instagram: je prenais mon sac sur ma tablette en photo, j’écrivais en légende: « Hahaha mon train a un problème, ça étonne qui? », je regardais le résultat visuel et je partageais ma story en mode petit clown mdrlol.

Dans mon cas ce système (écrire les messages en gros) ne marche pas mais je trouve super qu’elle ait tenté cette alternative.

Après j’ai un peu pris les rênes avec TactilAudio et l’écriture furtive mais vous voyez bien qu’il y a eu de la créativité de l’autre côté.

Je vous raconte ça parce que ma guide m’a raconté que cette expérience l’a fait réfléchir sur le handicap et que ça a peut-être été un déclic pour proposer de l’aide malgré son appréhension de ma surdicéciqé.

De mon côté tout ça m’a aussi fait réfléchir.


J’en ai un peu parlé dans mon article Assistanner.

J’avoue devenir un peu aigrie avec le temps à force d’avoir l’impression d’être la bonne action des autres. Je ne suis pas la seule: parfois quand on a un handicap et qu’on nous sollicite un peu trop pour nous aider même quand le contexte ne s’y prête pas (oui on nous sollicite et pas l’inverse) on a tendance à devenir un peu pète-sec et à expédier les gens.

J’ai réalisé que parfois il faut que je mette un peu d’eau dans mon vin. Faire preuve de douceur.

Par exemple, quand le TER est arrivé (en réalité le deuxième TER était un intercité qui passait par Toulouse et continuait jusqu’à Marseille) mon groupe m’a aidée à monter dedans. Et quand je dis « aider » ça veut dire « un peu agrippée pour que je grimpe dans le train ».

Dans un autre contexte j’aurais dit: « Ça va, merci! » et je me serais probablement dégagée/débattue. Parce que ça je peux le faire seule et c’est même mieux niveau sécurité de me laisser faire en tâtonnant de la canne.

Pourtant sur le moment j’ai pensé que y avait pas le temps de leur expliquer, et peut-être même que ça les « rassurait » eux d’être très présents à cet instant. Donc je n’ai rien dit.

C’est vraiment une question de contexte en fait. Ils ont été cool avec moi, les choses se sent faites assez naturellement alors que c’était un gros bordel avec le train (et avec moi aussi j’imagine), ils ont été là pour moi et j’en avais réellement besoin: inutile de les envoyer bouler même si je savais faire. En fait ce moment précis m’a fait réaliser que parfois il faut que je Prenne de la hauteur.

Et croyez-moi j’ai souvent le sourire pour les inconnus, mais quand il y a une voiture garée en plein sur le trottoir et que je dois faire un contournement par la route avec Manille en général je crie: « Putain mais ça me fais chiiieeeer!!! ».

5 commentaires

  1. Avatar de Dirk Schmeller Dirk Schmeller dit :

    Bonjour N,

    J’ai beaucoup aimé lire votre point de vue sur votre premier voyage en train à Toulouse. J’aime votre humour et votre façon d’écrire et j’ai appris ce qu’il faut faire mieux la prochaine fois. C’est une histoire que j’ai racontée à ma femme, et nous rions encore des visages que le groupe a fait, quand vous nous avez dit que nous ne pouvions pas communiquer avec votre ami. Quoi qu’il en soit, dites-lui que nous sommes désolés de l’avoir mise mal à l’aise à la gare de Toulouse. Ce n’était pas notre intention.

    Bien a vous

    All the best

    Dirk

    J’aime

    1. Avatar de Billie Ilékéleur dit :

      Ne vous en faites pas pour mon amie. On a rigolé toutes les deux justement. J’ai pensé « Les pauvres qui veulent communiquer avec elle alors qu’elle aussi est SourdAveugle, c’est le pompomn ». Ça m’a bien fait rire aussi.
      Merci d’avoir été là en tout cas. J’espère que ça ne se rep*oduira pas de si tôt mais je garde de cette expérience un bon souvenir. 🙂
      Bel;e jouomée à vous!

      J’aime

      1. Avatar de Dirk Schmeller Dirk Schmeller dit :

        Heureux d’apprendre que vous et votre ami avez trouvé cela drôle, et c’est…. que cela nous a tous fait rire… En général, nous ne faisions pas confiance à la SNCF pour s’occuper suffisamment de vous et nous avons pensé qu’il était plus sûr que nous le fassions, et nous l’avons fait avec plaisir. De toute façon, si vous prévoyez de voyager plus souvent avec la SNCF, la probabilité d’événements similaires est assez élevée 😉

        J’aime

Laisser un commentaire