Plouloute

Aujourd’hui je vais vous conter une histoire d’enfance.

Souvent quand nous étions petites ma soeur et moi inventions des pièces de théâtre et ma famille était ensuite conviée pour y assister. Je dis « on » mais la vérité c’est que j’étais une enfant tyrannique, que ma soeur était obligée de jouer dans MES pièces de théâtre et ma famille obligée d’y assister.

La pièce du jour racontait l’histoire d’un petit village nommé Choucroute-Garnie aux griffes d’un terrible dragon qui détruisait ses récoltes en pétant le feu (car ce sont des choses marrantes quand on est enfant).

Je me souviens très précisément de cette pièce car sa représentation (unique, malheuresement) a été filmée.

Gustave le chevalier et son cheval allaient héroïquement dégommer le dragon Plouloute (car c’était le nom du méchant dragon).


La mise en scène était épique.

En fond sonore il y avait un CD diffusant divers morceaux de « musique classique ». J’utilisais à l’époque mon poste-radio et quand il y avait un choc à proximité le truc se coupait durant une seconde. Genre au début j’arrivais (du fond de ma chambre) en tapant du pied et ça coupait (ce n’était pas du tout voulu).

J’incarnais Gustave le chevalier: j’avais un costume de mousquetaire GIFI et grâce à notre kit de maquillage de fêtes j’avais une barbe. Je la croyais noire mais on s’était photographiées avec le flash et ça se voit qu’en fait c’était du bleu foncé. J’étais archi déçue d’avoir une barbe bleue que je croyais noire (c’était les prémisses de la déficience visuelle).

Ma soeur jouait le cheval: tout de blanc vêtue avec un juste-au-corps blanc, des collants blancs et une cape blanche. Pour une obscure raison elle avait le nez maquillé au rouge-à-lèvre et avait plus l’air d’un lapin sans oreilles que d’un cheval.

On avait utilisé son « tableau d’institutrice ». Sur la face blanche on avait écrit un truc du style « Grotte de Plouloute » avec une flèche indiquant la direction. Sur la face noire on avait dessiné un dragon, sans doute Plouloute mais…


Pour débuter la pièce j’introduisais le problème de Choucroute-Garnie et à un moment je hurlais: « Aujourd’hui… un héros doit sauver… la ville CHOUCROUTE!!! » avec exactement la même intonnation qu’Emmanuel Macron avec son « parce que c’est notre projet!!! ».

La pièce s’ouvrait alors sur l’entrée en fanfarre de Gustave le chevalier qui va s’asseoir sur le dos de son cheval (la tyrannie, souvenez-vous), cheval qui se cabre (la rébélion).

Gustave et son cheval partaient ensuite en direction de la grotte de Plouloute, en suivant les indications marquées aux Veleda sur le tableau. Le morceau « classique » était du piano très angoissant et Gustave et son cheval avaient l’air terrifiés.

Et là par la magie du spectacle on retournait le tableau sur le dessin à la craie du dragon. Gustave et le cheval se mettaient à courir dans tous les sens et ma soeur disait un truc avec une grosse voix comme si le dragon parlait en ayant des mouchoirs dans la bouche et en étant au bord de l’asphyxie (la magie du spectacle!!!).

Ensuite Gustave disait à son cheval (j’aimais déjà beaucoup le langage familier à l’époque):

– Tomy, tomy, on s’est gourés! C’est pas le bon dragon!

Et ma soeur jouait à la perfection la surprise:

– Oh?

Puis je clamait:

– Partons!

Gustave le chevalier en carton-pâte. Choucroute-Garnie peut bien brûler sous les pets de Plouloute.

Gustave et Tomy le cheval soudain devenu bipède faisaient ainsi mine de partir bras dessus-bras dessous en un somptueux sur-place de dos. Avec en fond sonore un morceau de trompettes en mode tsoin-tsoin c’est la fin.

C’est à cet instant précis de la pièce que quelqu’un parmi les spectateurs lâche une caisse bruyante. Les comédiennes n’ont pas entendu mais ça s’entend bien sur la bande-son de la vidéo. Je pense que ça venait de Père et que c’était du désespoir.

S’ensuit une petite engueulade en coulisse (derrière le tableau) car ma soeur et moi avions prévu de jeter des confetti sur le public à la fin sauf qu’apparement j’ai pris les siens.

Et c’est ainsi que se termine la pièce de théâtre. Ce qui, il me semble, n’a pas été filmé c’est l’horrible temps des questions à la toute fin.

En effet, quand j’allais à des pièces de théâtre pour enfants avec mon école à la fin du spectacle il y avait toujours un temps pour que les enfants posent des questions sur la pièce visionnée. J’avais donc intégré que ce temps faisait OBLIGATOIREMENT partie d’une pièce de théâtre. Souvent les membres de ma famille n’en avaient pas ou bien ce n’était pas satisfaisant.

Ce devait être un moment monstrueux pour les spectateurs et spectatrices qui venaient déjà de perdre 5 minutes de leur vie pour une pièce bidon.


La question qu’on ne m’a pas posée à l’époque et qui pourtant m’aurait bien rabaissé le caquet est: qu’est-il advenu de Plouloute??

Réponse: un jour pendant son sommeil il a par inadvertance mis le feu à sa grotte, s’est pris un méchant retour de flammes et s’est auto-calciné. C’est ce qu’on appelle un pet foireux.

FIN!!!

2 commentaires

  1. Avatar de Sol. V. Sol. V. dit :

    J’adore ahah je serais curieuse d’avoir les souvenirs croisés de ta sœur et de ta famille la dessus, ce serait drôle !

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