J’ai super la flemme d’écrire cet article mais bon c’est nécessaire je pense (une pensée à la chanson Perdu d’avance d’Orelsan qui commence par: « Pfff, j’ai la flemme d’enregistrer. Ça enregistre, là?… Ah ok. »).
En début d’année j’ai expliqué que mon dernier bilan ophtalmologique était mauvais. Au milieu de l’année il y a eu des signes: de la « maladresse », de la surprécaution, un effort que je faisais visuellement quand des gens étaient avec moi. Quand Gary est venue chez moi début octobre je me suis rendue compte que j’avais trop de repères visuels qui m’étaient désormais obsolètes (je nous ai perdues sur un parking et j’ai eu peur plus loin de ne pas retrouver le chemin pour regagner mon appartement alors que ces deux trajets m’étaient familiers). Un peu après j’ai réalisé que mon oeil droit était quasiment aveugle. Il me restait un tout petit reste visuel. Et là il n’y avait pas à chipoter entre parler de reste visuel ou de potentiel visuel: c’était bien un reste qui n’avait pas grand-chose de potentiellement utile. Un coin supérieur gauche de cet oeil droit qui voyait encore, et encore. Ça faisait probablement des mois que je me servais juste de l’autre oeil pour voir. Et cet oeil avait un peu perdu en vue aussi.
Début décembre j’ai réalisé que l’ampoule avait complètement claqué. Je ne vous raconterais pas comment j’ai découvert ma cécité totale à droite (une sombre histoire de dentifrice fourré dans l’oeil) mais voilà le constat: je ne vois plus rien de l’oeil droit.
Bon. Voilà. C’est le principe de la rétinite pigmentaire: la maladie grignote toute la rétine jusqu’au dernier photorécepteur. Bêtement je pensais que je serais épargnée parce que j’avais une RP inversée et qu’une médecin m’avait dit que mon scotome était très propre, sous-entendu que c’était pas impossible que ça ne bouge pas (franchement j’en peux plus des médecins).
J’avoue que je m’en fiche un peu car ça fait des mois que j’apprends à délaisser ma vue (mon potentiel visuel) pour privilégier les autres sens. Par exemple je n’allume quasiment plus la lumière quand la nuit tombe (sauf dans les escaliers pour Manille parce que sinon elle a tendance à se ramasser la tronche et ça fait CHBLAM-BLAM-BLAM-BLAM-BLAM jusqu’en bas des marches, si vous avez ri vous n’avez pas de coeur).
Toutefois revient une peur sourde (HA HA HA), celle de la perte. J’angoisse beaucoup que le toucher me lâche. Je pense que cette peur de la perte découle de mon « historique médical », de l’arrivée brutale de ma surdité, de l’enchaînement des examens médicaux pour comprendre le bazar sans comprendre vraiment ce qui se passait, l’impression que tout partait en vrille. Oui bon, j’ai peut-être été un peu traumatisée par l’expérience.
Il y a quelques semaines je m’étais dit que si je devenais borgne je voulais avoir un cache-oeil comme la grosse connasse dans Kill Bill. Puis j’ai pensé à autre chose. Parfois avec la cécité vient un strabisme divergent. Ce n’est pas systématique mais c’est courant que l’oeil aveugle « parte sur le côté ». Si c’est mon cas j’aimerais porter les mêmes petites lunettes toutes rondes et noires que dans Matrix. Comme ça je pourrais les retirer et dire en louchant: « Il y a eu un bug dans la matrice ».
PS: Le lendemain matin (j’ai rédigé mon article la nuit-même durant une insomnie) j’ai réalisé qu’en fait mon oeil droit voyait toujours comme avant (toujours aussi mal mais toujours un peu). Il semblerait donc que mon dentifrice m’ait momentanément rendue aveugle…
Je suis désolée, je suis sans cœur, j’ai ri à l’idée de Manille se prenant un gadin royal dans les escaliers. Merci aussi pour le lien sur ton article de février dernier, ça m’a permis de le relire et de cogiter !
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Manille est très triste d’apprendre ça (en fait moi-même je me suis marrée en écrivant ce truc). Contense que le lien t’ait été utile!
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C’est très dangereux le dentifrice. Le mien, celui que m’a conseillé un dentiste, me brûle la bouche…
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