Bravoure

Si vous pouviez bannir définitivement un mot de l’usage général, lequel banniriez-vous ? Pourquoi ?

J’ai une sensation de déjà vu, il me semble avoir déjà répondu à une question similaire ici, ou bien un truc du genre, bref je risque de me répéter. Il s’agit du mot « courage ».

D’un point de vue militantiste (je ne suis pas militante pour un sou, en tout cas mon militantisme consiste à faire un creux sur l’assise de mon canapé et pour le moment c’est difficile) dire à une personne qu’elle est courageuse parce qu’elle est handicapée c’est validiste. Même si ça part d’une bonne intention. Comme l’a récemment dit une grande philosophe: « Ça part toujours d’une bonne intention. Or on dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions. » (il s’agit de ma propre citation).

Je ne crois pas que penser que je suis courageuse car je suis SourdAveugle fasse de vous une méchante personne. D’abord il me semble que c’est une pensée très commune et admise que le handicap rime avec courage (même si c’est faux puisque handicap ça rime avec soupape et courage avec plombage, CQFD). C’est un problème de société avant tout et la déconstruction ne peut se faire qu’individuellement (si vous avez perdu le fil de ce que je raconte sachez que moi aussi). Ensuite vous lisez mes billets donc a priori vous avez un petit aperçu des tuiles que je rencontre.

Car le courage a tendance a passer sous silence certains fait. Le courage annihile mes difficultés. Quand je suis réduite à du courage le reste passe à la trappe. Exemple: ça fait 2 ans que le site web et l’app inaccessibles de La fourche me font pleurer mon âme mais je suis courageuse donc c’est pas grave. Je suis courageuse donc j’accepte mon sort. Je suis courageuse et rien d’autre, je ne suis pas moi, je suis un modèle inspirant de courage.

Un jour j’aurais un potager. Ce jour-là j’y planterais des légumes mais personne ne viendra me dire que je suis courageuse. Pourtant je suis anthelmophobe et avoir les mains dans la terre c’est risqué.

Pour citer Coraline dans Coraline de Neil Gaiman: « Le courage c’est quand on a peur mais qu’on y va quand même ».

4 commentaires

  1. Avatar de Justin Busch Justin Busch dit :

    Quand j’étais à la fac, pendant la première année je vivais dans une suite avec 5 autres gars, dont un en fauteuil roulant. Il avait la même attitude que la vôtre et ne voulait pas que l’on fasse quoi que soit à son égard. Alors, j’essaie depuis ce temps-là à cet égard de ne rien dire de la sorte, mais en même temps personne (j’espère) ne souhaite poser des problèmes non plus. J’imagine que dire « Comme vous êtes courageuse » est en partie une façon de s’excuser pour des offenses dont on reste inconscient.

    De mon côté, ayant connu des sourds mais jamais une aveugle avant, je trouve que je suis tout à coup très au courant quand les signaux auditifs aux passages piétons ne marchent pas, ou comme au carrefour le plus proche de chez moi, ne sont installés pour toutes les directions. Il y a six mois, je ne l’aurais jamais remarqué.

    Aimé par 2 personnes

    1. Avatar de Billie Ilékéleur dit :

      C’est intéressant ce que vous dites par rapport à votre colocataire en fauteuil et aux feux-sonores. C’est peut-être l’expérience qui nous rend plus sensible à certaines choses. Après, j’avoue ne pas avoir toujours eu cette attitude (alors que j’ai grandi en ayant un oncle handicapé) et elle était même différente il y a 1 an (avant d’aller quelques jours chez une amie SourdAveugle).

      Aimé par 2 personnes

  2. Avatar de frlecoquelicot frlecoquelicot dit :

    Bonjour

    Si j’ai bien compris, vous dites que ces temps-ci, ça ne va pas fort alors je vous souhaite de retrouver de gros bouts de bonheur sur votre chemin sans pour autant trébucher dessus… Humour de mauvais goût !

    J’ai passé treize ans avec un homme amblyope atteint d’une maladie orpheline, une sorte de rétinite pigmentaire dégénérescente. Il ne voyait vraiment quasiment rien, mais j’étais admirative devant sa façon si intelligente d’utiliser le peu de vue qui lui restait et qu’il perdait peu à peu. Il a toujours tout fait dans la maison, étant homme au foyer. Il a élevé notre fille pendant que je travaillais. Je ne sais s’il est question de courage, mais pour moi qui suis dépressive chronique, ne pas se laisser aller, c’en est peut-être quand même un peu, même si on pense ne pas avoir le choix. Il serait si simple de baisser les bras et de se laisser assister… J’espère ne pas vous fâcher en disant ça.

    Je vous souhaite la meilleure journée possible. Bien à vous, Isabelle.

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Billie Ilékéleur dit :

      La dépression je connais un petit peu. J’ai été sous antidépresseurs plusieurs!s mois, j’ai arrêté puis j’ai fait une rechute, rebelote antidépresseurs. J’avoue avoir eu un peu peur de faire une rechute à nouveau (là ça va bien mieux, en fait hormis cet article mes billets sont programmés 2 semaines à l’avance). Je me pose des questions par rapport au courage et à la maladie mentale. Je crois que ce qui m’aidait à me lever quand ça n’allait pas bien du tout dans ma tête c’était Manille. Ça ne soignait évidemment pas tout mais ça me « forçait » un peu à tenir. Mais quand on a pas trop d’énergie ça paraît tellement surhumain.

      J’aime

Répondre à Ilékéleur Annuler la réponse.