c’est fort de café

Aujourd’hui je vais vous raconter une belle histoire.

Je me souviens d’un ancien post Instagram de Baptiste Beaulieu (un auteur que j’aime beaucoup qui est également médecin) dans lequel il racontait que l’une de ses patiente lui avait ramené des sacs de couscous qu’elle avait préparé pour des réfugiés Ukrainiens qu’il hébergeait chez lui. Il disait qu’avec sa notoriété c’était facile de céder au cynisme et de suspecter que le geste était intéressé. Sauf que la dame avait préparé ce plat dans des proportions astronomiques (si je me souviens bien elle avait mis tout ça dans plusieurs sacs de courses) et avait porté ça toute seule sur une bonne distance alors qu’elle avait un certain âge et une jambe « un peu malade ». A priori c’était de la gentillesse à l’état pur, un geste altruiste qui n’attendait pas de reconnaissance ni quoi que ce soit en retour. C’est un peu ce que je racontais dans Assistanner. On pourrait se dire que je suis soupe-au-lait. Il est probablement vrai que je deviens un peu aigrie avec le temps mais à force il y a des « mains tendues » que je ne supporte pas car elles ne me semblent pas spontanées ou bien on me tient la jambe pour m’aider à tout prix. J’imagine que des fois j’ai tort, cependant les expériences m’ont rendue méfiante.

Quand Gary est venue me voir cet automne nous sommes allées chez un torréfacteur dans le centre-ville. Il s’agit d’un « coffee shop », un lieu où on peut boire et acheter du café. On y était allées avec nos cannes et nos têtes de championnes. Pour communiquer avec la personne de l’accueil, Gary écrivait sur une feuille. Entre nous deux on utilisait une communication tactile (mélange d’écriture furtive, de protactile et de Langue des Signes tactile). On a acheté des boissons à emporter (car la boutique fermait) et Gary a pris divers sachets de café en grains. Ce jour-là j’ai pris un cappuccino.

En réalité j’avais déjà « repéré » ce torréfacteur. Je n’y étais jamais entrée mais la boutique est dans la même rue que La Poste donc je suis plusieurs fois passée devant. Une fois j’ai pris une table posée devant dans les jambes et j’ai grondé Manille qui n’avait pas bien fait son travail. Et ça sentait très bon à cet endroit donc je m’étais dit qu’un jour il faudrait braver Grumph et pousser la porte de l’établissement.

À l’heure de la sortie de ce billet l’évènement aura eu lieu mais à l’heure où je le rédige ce n’est pas le cas (donc merci de faire une gymnastique mentale en me lisant). Début juin il y aura un regroupement Reblochon dit « camping sauvage dans le jardin de Maurice » (en réalité il n’y aura pas César, Maléfuck a réservé un airbnb à côté de la maison de Maurice et moi suite à une crise d’angoisse due à ma non-sociabilité la chambre d’ami m’a été réservée donc il n’y aura que Poulidor, Terry, Gary et son compagnon sous la tente. Le camping sauvage s’est transformé en camping du dimanche, toutefois Gary a proposé d’éjecter son compagnon de la tente si je me décide à sortir de ma grotte pour y dormir, youpi!!!). Pour remercier Maurice et sa compagne de m’héberger j’ai eu envie de leur faire un cadeau. Maurice nous parle souvent de sa cafetière, un broyeur à grains soit disant merveilleux (suis-je excédée ou jalouse, bonne question). Puisqu’on pouvait en acheter chez le torréfacteur, j’ai eu l’idée de leur offrir un sac de café en grains. Et puisque le couple a un petit garçon de 5 ans (qui a priori en a rien à péter du café) je me suis dit qu’il y aurait peut-être des articles là-bas un peu plus intéressants pour son âge, genre des biscuits.

*Ici Billie du futur, enfin de la veille de la publication: en fait c’est hilarant car le deuxième matin j’ai eu un café soluble de type sachet à café qu’on trouve dans les hôtels. J’imagine que je n’aurais pas dû tacler la cafetière.*

Je suis allée au coffee shop un peu avant le camping. Je tiens à préciser qu’on s’est paumées avec Manille et que, tandis qu’on essayait de retrouver notre chemin, celle-ci a tenté de nous faire emprunter l’escalier menant à La Poste. Ce qu’elle est pro cette Manille!.

Là où en octobre je m’étais contentée de dire à l’oral « merci », « mh », « ha oui » car on nous faisait sentir des échantillons de café (et en off à Gary: « Je comprends rien »), j’ai plus oralisé: j’ai expliqué que j’étais sourde et que j’avais une app qui transcrit la parole, que j’étais venue en octobre avec une copine SourdAveugle donc je savais qu’on pouvait y acheter du café, que je voulais offrir du café à Maurice qui ne faisait que de parler de sa cafetière (oui, j’ai dit ça *fais la maline, tu vas te farcir du jus de chaussette le dimanche matin*) ainsi que quelque chose susceptible de plaire à son petit garçon. La personne m’a proposé un sachet de café, une tablette de chocolat et un cappuccino.

Je me suis vue galérer à marcher avec mon gobelet de cappuccino et en renverser les 3/4 dans la rue donc j’ai demandé un peu gênée si je pouvais juste prendre le café et le chocolat (et me tailler). La personne m’a répondu qu’en fait ma boisson était déjà prête et qu’elle se souvenait de notre passage en octobre. Donc j’ai demandé s’il était possible que je m’assois à une table pour la boire (oui, il y en avait une). Et la personne m’a aussi demandé si elle pouvait donner à boire à Manille (j’ai dit oui même si je pense que la chienne n’a pas daigné tremper le bout de sa langue dans l’eau qu’on lui servait).

Mon ex m’avait dit qu’il était toujours content quand les personnes se souvenaient de moi mais qu’en fait c’était peut-être pas étonnant car elles ne devaient pas en voir souvent des SourdAveugles. Peut-être que là c’était le cas et qu’elle avait été marquée par la venue de deux filles avec une canne blanche parlant entre elles avec leurs mains. Toutefois elle se souvenait que j’avais pris un cappuccino. Je pense que son geste était simplement gentil et qu’elle aurait pu l’avoir avec n’importe quelle personne de sa clientèle. Et ça ça fait du bien, ça met vraiment du baume au coeur.

J’aimerais conclure cet article déjà très positif par une note tout aussi positive. Au moment de repartir j’ai demandé à Manille de chercher la sortie. Je la voyais (enfin, je voyais la lumière du dehors qui passait par la porte ouvert) mais la chienne a refusé d’avancer et j’ai dû me démerder toute seule avec ma canne. Ce Qu‘elle est pro cette Manille!

2 commentaires

  1. Avatar de Justin Busch Justin Busch dit :

    Il y a une dame que je connais depuis 25 ans déjà, Jennifer, atteinte de la trisomie, qui travaille dans le même café pendant tout ce temps. Anciennement, elle était responsable de demander aux clients s’ils voulaient un dessert avec leur commande. À chaque fois où je la voyais, j’en commanderais un, afin de ne jamais la décevoir. Plus tard, elle est devenue trop malade pour faire plus que nettoyer quelques tables, mais je continue de la chercher pour lui dire bonjour autant que possible. Je ne peux rien faire pour elle au-delà de ça, mais je suis sûr que même ce petit geste vaut quelque chose. Et honnêtement, il me fait du bien aussi que quelqu’un se souvient de moi après tout ce temps !

    Aimé par 2 personnes

    1. Avatar de Billie Billie (IEQH) dit :

      Elle est chouette votre histoire, un peu triste mais oui c’est déjà un gentil geste.
      J’ai dû le raconter ici il y a longtemps dans ma série Souvenirs d’EHPAD: là où je faisais mon service civique il y avait une dame avec Alzheimer. J’adorais cette dame. On n’avait que quelques échanges par jour, très courts mais c’était agréable. Elle devait oublier mon existence dès que je quittais l’EHPAD. C’était une FANA de Manille (elle la laissait la lui lécher le visage et j’avais appris à Manille à lui apporter son journal enroulé). Elle était à un stade de la maladie où elle ne se souvenait pas que sa fille était passée la voir dans l’après-midi mais apparement un samedi (je ne travaillais qu’en semaine) elle a demandé à une aide-soignante où était le chien. Il y avait pas mal de personnes dans cet EHPAD assez atteintes cognitivement (ce mot n’existe pas je crois, je veux dire au niveau cognitif/la cognition) mais la simple présence de Manille semblait leur faire beaucoup de bien.

      Aimé par 1 personne

Répondre à Justin Busch Annuler la réponse.