Qu’ils disaient

« Vous verrez, les petits chiens guides ils sont jamais malades! »

Les paroles de l’éducatrice de Manille me reviennent tandis que, de la bave de chien plein les cheveux et le t-shirt, je traîne mon patapouf de labrador qui se la joue poupée-de-chiffon-de-30-kg-en-état-de-décès-avancé sur le sol pour lui mettre de force ses médicaments dans la gueule, action qu’il faut plusieurs fois recommencer car elle les recrache deux coups sur trois.

(étant un traitement contre la diarrhée la prise de cachets dans du Kiri est exclue, merci bien)

Convoi de l’extrême

Lundi matin quand je me suis réveillée une vilaine odeur flottait dans l’air. J’ai pensé que Stella, dont la caisse est dans la salle de bain juste à côté de la chambre, venait de poser sa pêche.

Manille était couchée à côté du lit, la chatte attaquait ma main sous la couette, bref à part le fumet pestilentiel tout avait l’air normal.

Je me suis levée, j’ai pris mon legging et mes chaussettes pour sortir Manille et je suis allée m’asseoir sur une chaise de la cuisine. L’odeur s’est faite plus forte. J’ai pensé que Stella avait eu un accident dans la chambre et que j’avais marché dedans. J’ai inspecté mes pieds: rien. Je suis allée voir dans la salle de bain et le bureau mais ça y sentait moins fort. Je suis revenue m’asseoir sur ma chaise, perplexe.

Et puis je me suis retournée.

Il y avait de grosses flaques sombres sur le carrelage. L’une des quadru avait eu la diarrhée pendant la nuit. Quand je dis « l’une des quadru » je veux dire Manille car vu la taille des flaques ça ne venait pas de la chatte. Et quand je dis « diarrhée », le mot est faible pour décrire la scène d’horreur que j’avais sous les yeux (et le nez).


J’ai sorti Manille en ricanant parce que j’avais laissé Stella enfermée sans ouvrir les fenêtres. Ensuite je suis rentrée et j’ai nettement moins rigolé quand il a fallu commencer à nettoyer.

J’ai contourné la table pour ouvrir les fenêtres sans risquer de marcher dans la mare sans canard (n’aggravons pas la situation). J’ai remonté mes manches et j’ai fait un chignon. J’ai mis le masque de chantier que m’avait donné mon père, celui avec deux gros élastiques et un système de serre-nez. J’étais parée.

Je n’ai trouvé Stella nulle-part et elle n’est pas venue sur le rebord de la fenêtre comme à son habitude. J’en ai déduit qu’elle était restée trop longtemps dans les effluves et qu’elle avait dû faire un malaise sous un meuble.

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Le nouvel auxiliaire vétérinaire

Manille a deux boules sur les flancs. Je suis allée voir ma vétérinaire il y a 3 semaines qui m’a dit de revenir prendre un rendez-vous pour l’opérer d’ici la fin du mois. Je ne suis pas inquiète car il y a 2 ans la chienne a fait un lipome sous une aisselle, une tumeur bénigne de graisse (Manille qui fait des tumeurs de gras, ça étonne qui?). C’est une pathologie courante chez les labradors surtout femelles et les récidives ne sont pas exclues.

Hier je suis allée chez la vétérinaire pour racheter son antipuce et son silicure (un médicament qu’elle prend car elle a un souci avec son foie) et aussi pour programmer l’opération. Les vétérinaires et les auxiliaires vétérinaires dans ce cabinet nous connaissent bien moi et ma surdicécité (et ma chienne guide intenable parce que c’est le festival du biscuit là-bas). Niveau communication on alterne entre oral et écrit via mon téléphone connecté à ma plage braille. Elles ont l’air globalement à l’aise avec moi.

Hier pourtant il m’a semblé qu’il y avait un nouvel auxiliaire à l’accueil et il a eu l’air assez déstabilisé par ma présence. En fait je suis rentrée dans le cabinet et me suis assise sur une chaise en attendant mon tour (et en demandant 15 fois à Manille de se calmer). Un jeune homme brun à lunettes (c’est tout ce que ma vision me permet de décrire) a fait son entrée dans la salle d’attente. Il y avait quelques personnes déjà. Il est allé voir un monsieur puis il est venu vers moi. J’imagine qu’il m’a dit un truc et que j’ai laissé passer ma chance parce qu’ensuite j’ai attendu 10-15 minutes et même les gens arrivés après moi sont passés avant moi (décidément ça m’arrive souvent ces temps-ci). Le brun est revenu me voir plus tard et je lui ai tendu mon téléphone en disant: « Désolée je comprends rien. » (sans déconner René). Je lui ai expliqué pourquoi je venais. La vétérinaire est venue palper les boules de Manille (qui faisait subitement moins la maline) et il m’a écrit qu’il fallait lui faire un bilan sanguin pour son foie avant de l’opérer.

Là j’ai tilté que le brun n’était pas auxiliaire vétérinaire car il avait l’air un peu perdu et m’a posé des questions bizarres. Je me trompe peut-être mais on va partir du principe que c’est ça, je pense qu’il était en 3e et qu’il faisait son stage. Il avait la voix grave mais on faisait à peu près la même taille (t’inquiète Brun je triche un peu avec mes Rangers, moi je suis québlo à 1,59 m depuis que j’ai 14 ans mais toi tu peux encore grandir, et au pire c’est pas grave la vie est belle en bas tu sais) et il m’a demandé comment ça se passait habituellement lors des prises de sang, est-ce que je nourrissais Manille avant ou pas. Et en effet quand il est venu m’apporter les médicaments il avait l’air un peu jeune, Brun. Il avait l’air en galère mais au final je trouve qu’il s’est très bien débrouillé et il s’est détendu au fur et à mesure de l’échange. Ça fait plaisir.

Bref Manille a rendez-vous jeudi matin prochain pour faire une prise de sang.

À sa mutuelle qui refuse de me rembourser son Silicure car selon eux c’est « un médicament de confort » alors que (vous l’aurez compris) son problème de foie nécessite une analyse avant de l’opérer: allez bien vous faire cuire le cul.

Rupture

Eren et moi on se sépare. Pour le moment je reste à l’appartement avec les deux moustachues. Ensuite quand j’aurais fini ma rééducation mon rêve serait d’avoir une petite maison d’écrivain solitaire avec un grand jardin pour que Manille puisse gambader (et que Stella puisse avoir tout plen de pâquerettes à décapiter).

Globalement ça va, je gère plutôt bien la situation. Il y a juste l’autre soir où je me suis mise à sangloter toute seule dans mon lit, comme les petits chiots qui pleurent la première nuit dans leur nouveau foyer.

Manille n’est pas venue me voir. Pour l’avoir elle-même vécu dans son enfance elle devait savoir qu’il ne fallait pas intervenir et me laisser japper dans mon coin.

Stella n’est pas venue non plus parce que, ça me brise le coeur de l’admettre, bah c’est Stella.

Laxisme maternel

Manille a bien compris que ma mère est complètement gaga d’elle et a du mal à lui résister.

Je ne crois pas avoir déjà eu l’occasion d’en parler ici mais c’est une chienne extrêmement difficile pour les besoins. Elle est capable de se retenir toute une journée ou de se « bloquer » si un passant se met à la regarder alors qu’elle allait faire pipi. Jeudi soir c’est un peu la croix et la bannière pour que Manille fasse pipi dans la rue.

« On peut peut-être lui proposer le jardin? » suggère Maman.

« Non, ça c’est la porte ouverte à n’importe quoi. » réponds-je sévèrement.

Le lendemain au petit-déjeuner j’envoie sèchement Manille à sa place car elle réclame.

« C’est ma faute je viens de lui faire lécher l’opercule de mon yahourt, j’ai oublié qu’il ne fallait pas le faire! » se justifie Maman.

Voilà, qu’est-ce que je disais: c’est la foire à la brioche.

Dame pipi

Alors qu’on était sur la route pour aller voir Nany on s’est arrêtées à une station service. J’avais envie d’aller au petit coin.

Les toilettes n’étaient pas une grande salle avec plusieurs cabines WC mais une seule grande pièce avec un toilette, un lavabo et un verrou sur la porte.

Dans le 1er cas de figure ma mère aurait proposé de garder la chienne devant la porte pendant mon affaire. Là elle m’a laissée y aller avec Manille.

Je n’aime pas trop cette situation. Il faut imaginer (avec un minimum de décence svp) qu’à peu de chose près on se regarde dans le blanc des yeux pendant que je fais pipi, et c’est très gênant.

Manille reste debout à côté de moi l’air perdue dans ses pensées:

« Je me sens un peu inutile moi là. Je suis chienne guide mais je ne sais pas quoi faire, on n’a pas vu ça à l’école. Heuuuuuuu… Qu’est-ce que je fais là moi. Ça va, tout se passe bien? »

Cours Forest

J‘avais un rendez-vous à 14h. Pour m’y rendre je devais emprunter le bus au bout de ma rue. L’application pour programmer des trajets m’avais dit que je pouvait avoir mon bus en sortant de chez moi à 13h33, mais elle avait fait ce calcul sans inclure la possibilité que mon chien puisse s’arrêter pour demander à faire caca. Par précaution j’avais donc décidé de partir un peu plus tôt.

À 13h23, comme j’étais déjà prête j’ai décidé de partir avec Manille. J’avais juste pris mon joli petit sac à dos pour ne pas m’encombrer, j’ai fermé ma porte et glissé mes clés dedans. J’ai descendu l’escalier de mon immeuble et j’ai ouvert la porte d’entrée.

« Oh fait chier… » ai-je bougonné (mon père ne va pas être content en lisant mon article parce qu’il y a des gros mots pourtant il dit exactement la même chose avec la même intonation quand il bricole et que ses outils « ne marchent pas », sans vouloir balancer).

Plus

Manille le ramasse-miettes très opérationnel

J‘ai mangé un bon de pain, ça a fait plein de miette par terre. Manille était à côté de moi. Je lui ai montré les miettes pour qu’elle passe l’aspirateur car j’avais la flemme de passer le balai (oui).

« Eh Manille, regarde par-là y a des miettes! »

J’ai tâté le sol pour lui montrer et j’ai ainsi pu constater qu’il était déjà plein de bave.

Le ravin

Au parc l’autre jour avec mon père et Manille.

Alors que nous sommes sur un sentier, me donnant son bras pour me guider, mon père décide de couper à travers les arbres pour emprunter un chemin plus bas. Une petite pente de terre sablonneuse sépare les deux sentiers. Mon père s’arrête un instant, l’air de réfléchir à la manoeuvre à adopter.

Finalement il me donne les mains pour m’aider à descendre. Quand je dis « pour m’aider à descendre » il faut vous imaginer à une guinguette party un dimanche midi en train d’essayer de faire monter Mémé dans une barque. Bon. Évidemment tout ne se passe pas comme prévu.

Je me mets à déraper, mes pieds glissent sur la terre. Je commence à dégringoler mais mon père s’obstine à me tenir les mains, j’ai peur de l’entraîner dans ma chute.

« Papa, il faut me laisser partir maintenant, c’est trop tard pour moi. Lâche-moi c’est pas grave. Je vais vous ralentir Manille et toi, partez sans moi. Ça ira pour moi t’en fais pas. »

Ce sont les pensées qui défilent dans ma tête, mais tout ce que j’arrive à dire c’est:

« Il faut me laisser… Aaaaaah… Noooon… Hahahaha! »

Je ne me vautre pas mais c’est pas loin, mon pantalon et mes chaussures noirs sont couverts de poussière.

« Mais pourquoi tu m’as fait passer par là? » demande Papa avant d’enchaîner par « C’est la faute de Manille! » puis de relativiser « Faut bien que tes rangers servent à quelque chose. ».

Chtunk

Au parc hier avec Manille. Aveuglée par le soleil et mon scotome central je lui lance son bâton au hasard, évitant quand même le sentier pour pas assommer un promeneur avec). On s’amusait bien jusqu’à ce que le bâton fasse « chtunnk » en retombant.

Quelle était la probabilité qu’en le lançant à l’aveugle je l’envoie pile dans une poubelle?

Manille s’est alors mise debout sur ses pattes arrières tout en sautant vainement autour de la poubelle, « Mon bâton, mon bâton! ».

(elle ne le reverra jamais)